566 sans-abri seraient morts dans la rue en France en 2018

jeudi 14 mars 2019
par  SUD Éduc

566 sans-abri seraient morts dans la rue en France en 2018
(source : le figaro)

Selon le collectif « Les morts de la rue », qui recense chaque année ces décès, ce chiffre a nettement augmenté par rapport à l’année précédente.

En 2018, 566 sans domicile sont morts dans la rue en France, contre 511 l’année précédente, selon le collectif Les morts de la rue, qui recense chaque année ces décès. Ils avaient en moyenne 48 ans, cinquante d’entre eux étaient des femmes. Treize étaient des mineurs, dont 6 de moins de 5 ans. Deux avaient entre 5 et 9 ans et six avaient entre 15 et 18 ans.

« Durant les trois derniers mois avant son décès chacune de ces personnes a vécu majoritairement dans des lieux non faits pour l’habitation ou en centre d’hébergement d’urgence ou temporaire », précise le collectif, qui organisera un hommage public le 2 avril à Paris. « Elles sont mortes sur la voie publique, dans des abris de fortune tels qu’un parking, une cage d’escalier, une cabane de chantier ou dans le métro, mais aussi en lieu de soins ou en structure d’hébergement », selon Les morts de la rue.

Chaque année, le collectif rappelle que plus d’une personne décède chaque jour des conséquences de la vie à la rue. Le nombre de personnes sans domicile en France était estimé à 143.000 en 2012 par l’Insee, le nombre de sans abris à 12.700. Aucun nouveau recensement national n’a été fait depuis cette date. Selon l’étude 2008-2010 du Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (CepiDc-Inserm), qui croise les données du collectif et celles de la base nationale des causes médicales de décès, le nombre réel de décès de personnes sans domicile entre 2012 et 2016 serait près de 6 fois supérieur au nombre de décès connus par le collectif, soit plus de 13.000 morts.

Une cérémonie des « Pics d’or » pour « récompenser » les « pires dispositifs anti-SDF »

Qu’est-ce que le mobilier urbain anti-sdf ?
Lors d’une cérémonie des « pics d’or », la Fondation Abbé Pierre entend dénoncer « les pratiques inhumaines » des villes et sociétés qui mettent notamment en place du mobilier urbain anti-SDF.

Engagée dans la lutte contre le mal-logement depuis 1987, la Fondation Abbé Pierre a « récompensé » les mobiliers urbains « les plus agressifs, fourbes ou encore décomplexés » mercredi soir à Paris, à l’occasion d’une cérémonie ironiquement baptisée « les Pics d’or ».

La Fondation Abbé Pierre a décidé de jouer la carte de l’ironie : pour la première fois, l’association organisait mercredi soir la cérémonie des « Pics d’or » pour décerner les prix des « pires dispositifs anti-SDF » répertoriés en France. Un an après avoir mené une grande campagne contre ces mobiliers urbains « qui empêchent les personnes les plus démunies de s’abriter ou de prendre un peu de repos », l’association a souhaité les « récompenser satiriquement » pour montrer « combien la société repousse ses exclus toujours plus loin des regards ».

« Nous voulons rappeler que ces installations ne sont pas normales et que la solution n’est pas de faire partir les SDF ou de leur mettre des amendes mais de leur trouver des solutions de logement », nous explique Manuel Domergue, directeur des études à la Fondation Abbé Pierre. Pour le responsable associatif, installer de tel système revient à « invisibiliser » les sans-abri, qui sont contraints de fuir les centres-villes pour s’installer dans les zones périphériques. « Ainsi, on ne les voit plus mais on ne règle pas le problème puisqu’on les expose l’isolement et à un risque accru de mourir seul », ajoute Manuel Domergue, rappelant que chaque année, environ 500 SDF meurent dans les rues de France.

Des pierres et des pics

« Un jury d’expert » a été chargé de sélectionner « les nommés » parmi les 339 dispositifs recensés par l’association depuis le 6 décembre 2017 via sa plateforme en ligne Soyonshumains.fr. D’après leur carte qui géolocalise tous les dispositifs jugés dégradants, la plupart se concentrent dans les grandes villes et surtout en Île-de-France. Ils ont généralement été mis en place par les municipalités, des copropriétés privées ou encore des commerçants. Mercredi soir, le prix du « dispositif le plus décomplexé » a été remis à un banc transformé en un siège une place, sous un abribus à Biarritz, empêchant ainsi qu’une personne sans-domicile puisse s’allonger .
Les nommés de la catégorie du dispositif « le plus décomplexé » en allant vers la droite : « l’âge de pierre », « la surenchère » (des pierres et des barres le long d’un immeuble à Paris), « les couleuvres » (des bancs à la gare de Nancy) et la « place unique » (sous un abribus à Biarritz).

« Le pot aux roses », des jardinières bordées de pics à Toulouse, ont reçu le prix du « dispositif le plus fourbe ».
Dans la catégorie du plus « fourbe », on retrouve : « à l’étroit » (un petit banc sous un abribus de Nantes), « discorde à Concorde » (dans le métro parisien), « la mauvaise pente » (à Toulouse) et « le pot aux roses » (des pics, toujours à Toulouse).

Enfin, pour la catégorie du dispositif « le plus agressif », le jury a choisi « la violence ordinaire » : « l’oursin » (à Montpellier), « la barricade » (à Paris), « le métal hurlant » (à Marseille) et « la violence ordinaire » (encore à Paris).

Le dispositif le plus contradictoire a été décerné à un centre médical parisien « ouvert à tous » mais qui a installé un mobilier empêchant de s’asseoir le long de sa vitrine. Le prix de l’arrêté anti-mendicité a été remis à la ville de Besançon tandis que la Suède a remporté le prix international pour avoir instauré dans une de ses villes un « permis de mendier » à 15 euros.
Un dispositif retiré fin 2017 après une polémique

Ces récompenses ont été remises par des figures engagées dans la lutte contre le mal-logement, tels que l’humoriste et chroniqueur de France Inter Guillaume Meurice, l’avocat de la Ligue des droits de l’homme Me Arié Alimi, l’humoriste Blanche Gardin ou encore l’ancien SDF Chris Page, qui a passé trois ans dans la rue et qui s’est fait connaître sur Twitter en racontant son quotidien de sans-abri. Fin 2017, il avait également fait partie des premiers à témoigner sur ce sujet et à interpeller la mairie de Paris sur l’installation de barrières au-dessus de grilles d’air chaud dans le XIXe arrondissement de la capitale. « On n’a pas le droit de traiter des êtres humains comme ça », avait-il lancé dans un reportage du média en ligne Brut . Face à la polémique, la municipalité les avait retirées.

Au même moment, la Fondation Abbé Pierre s’était attaquée à ces dispositifs, en lançant une campagne d’affichage sur ces lieux hostiles, accompagnée du slogan : « Au lieu d’empêcher les SDF de dormir ici, offrons-leur un logement décent ailleurs ». L’association avait aussi dénoncé l’installation d’une douche anti-SDF, à l’entrée d’un parking, au cœur de la capitale, qui se déclenchait si quelqu’un décidait de s’y installer. « À l’époque, on avait rencontré la mairie de Paris qui s’était engagée à faire enlever tous les dispositifs qu’on lui signalerait et qui ne présenterait aucune justification. Et si ça ne relevait pas de ses services, elle avait promis qu’elle écrirait aux commerçants et aux privés pour qu’ils le fassent, se souvient Manuel Domergue. On espère que cet engagement sera réaffirmé aujourd’hui ».

Sensibiliser les élus en vue des municipales

Les dispositifs anti-SDF n’ont rien de nouveau. Déjà, en 1992, l’anthropologue Noël Jouenne en avait identifiés à Paris. « Dans les aires de distributions de soupes pour les SDF, des commerces avaient fixé des tôles dentées au sol afin d’interdire de s’asseoir », écrivait-il en 2007. Le chercheur citait également un autre exemple au Puy-en-Velay, en Haute-Loire, où « le gardien d’une banque avait pris l’habitude de saupoudrer du soufre devant les marches où venaient s’asseoir les zonards ». Plus récemment, en 2014, des grilles installées autour de bancs à Angoulême avaient suscité de vives réactions tout comme l’installation de bancs inclinés sur les quais d’une station de métro à Paris en 2017. En face, la RATP s’était défendue de toute démarche anti-SDF et avait expliqué que cette expérimentation visait à élargir les possibilités d’assise des voyageurs.

Outre les « Pics d’or », la Fondation espère également sensibiliser les élus, en vue des élections municipales en 2020. L’objectif : les pousser à améliorer leurs conditions d’accueil des SDF en leur demandant de voter une Déclaration des droits des personnes sans abri. « L’idée est de leur rappeler que ces personnes ont aussi des droits : ceux à la survie, au logement ou encore à l’accès aux sanitaires et à un accueil de jour », énumère Manuel Domergue, qui rappelle que plus de 143.000 personnes étaient sans domicile en France en 2012 selon l’Insee. Un chiffre qui a progressé de 50% en 10 ans.