A l’Assemblée nationale, les auditions de chefs militaires ne font pas bon ménage avec Zoom

jeudi 23 avril 2020
par  SUD Éduc

Le logiciel utilisé par la commission de la défense pour organiser des visioconférences est critiqué par l’état-major des armées pour son manque de sécurité.

Le général François Lecointre, chef d’état-major des armées, était auditionné à huis clos par la commission de la défense de l’Assemblée nationale, mercredi 22 avril. Il a prévenu d’emblée : avec Zoom, l’outil utilisé pour cette visio-audition de l’ère du Covid-19, il ne faudrait pas s’attendre à ce que des informations très précises soient données aux parlementaires, en raison des failles de sécurité présentées par cet outil informatique. Avant le général Lecointre, la commission a aussi entendu à huis clos la médecin générale des armées Maryline Gygax Généro, directrice centrale du service de santé (SSA). Le communiqué de la commission indique que le SSA « recense au 21 avril 1 500 cas confirmés dans les armées, dont une quinzaine en réanimation », sans mention des cas probables.
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Les députés ont-ils perdu une occasion d’en savoir plus sur la façon dont les armées gèrent la crise du Covid-19 tout en maintenant leur tempo opérationnel ? La confidentialité des auditions parlementaires en France est toute relative, et ses ratés sont plus dus aux hommes qu’à la technique. Il n’est qu’à se rappeler la fuite de propos tenus par le général Pierre de Villiers, prédécesseur de François Lecointre, en juillet 2017 : ses critiques sur le budget militaire, censées ne pas être rapportées, avaient déclenché une crise grave avec l’exécutif, jusqu’à la démission du général.
« Une question de principe »

La présidente La République en marche (LRM) de la commission, Françoise Dumas, espère cependant trouver une meilleure solution de visioconférence rapidement, car la commission s’est engagée dans un programme fourni d’auditions de hauts responsables de la défense nationale jusqu’en mai. « La présidente a elle-même évoqué la difficulté de tenir des auditions avec un outil qui pose problème en termes de sécurité, d’autant que nous avons aussi des difficultés de connexion, explique son cabinet. Nous recherchons une autre solution, souveraine si possible et compatible avec l’informatique de l’Assemblée, pour dès la semaine prochaine. »

C’est en effet « une question de principe, celle de l’autonomie stratégique », estime le député Thomas Gassilloud (LRM, Rhône), bon connaisseur de ces sujets. « On focalise sur Zoom, mais l’hébergeur d’application n’est qu’une faille possible. Il y en a aussi dans les tuyaux, et dans les terminaux connectés des députés, smartphones ou tablettes, dont beaucoup sont sûrement vérolés. » Cet élu a poussé la mise en place d’une messagerie souveraine pour les députés : depuis une semaine, Tchap, le « WhatsApp de l’Etat français » jusqu’alors réservé aux fonctionnaires, peut être utilisé par les membres de l’Assemblée nationale. « Ce qu’on disait il y a un an dans nos rapports sur ces sujets est désormais mieux pris en compte, il faut maintenant développer ce genre d’outils souverains pour tous les Français », estime M. Gassilloud.