Allemagne : la « peine » d’un ancien gardien de camp nazi, jugé à 93 ans Bruno Dey était entré à 17 ans au Stutthof, le premier camp de concentration nazi implanté hors de l’Allemagne.

lundi 21 octobre 2019
par  SUD Éduc

Le procès d’un ancien gardien SS de camp de concentration nazi de 93 ans, sans doute l’un des derniers du genre, s’est ouvert ce jeudi à Hambourg (Allemagne).

Bruno Dey comparaît pour complicité de milliers de meurtres entre août 1944 et avril 1945, au camp de Stutthof dans le nord de la Pologne, à 40 km de Gdansk. Il s’agit du premier camp nazi construit hors d’Allemagne.

En entrant dans la salle d’audience, en fauteuil roulant, le prévenu a tenté de dissimuler son visage derrière une pochette cartonnée, et flanqué d’une assistante faisant office d’infirmière. « Ce qui s’est passé lui faisait de la peine », a affirmé son avocat Stefan Waterkamp. « Il était conscient que les détenus n’étaient pas là parce qu’ils étaient des criminels mais pour des raisons antisémites, racistes ou autres, il avait pitié d’eux », a-t-il ajouté. À l’époque, Bruno Dey avait 17 ans.
« Empêcher la fuite, la révolte ou la libération des prisonniers »

Les audiences de ce procès, qui se tient au moins jusqu’à mi-décembre, seront restreintes à deux par semaine et à deux heures maximum chacune, en raison de l’état de santé précaire de l’accusé.

En tant que gardien, « il a soutenu l’assassinat horrible en particulier des détenus juifs », a dit jeudi le procureur. La tâche de l’accusé consistait selon le procureur à « empêcher la fuite, la révolte ou la libération des prisonniers » juifs du camp, condamnés à être exterminés par balle ou au gaz Zyklon B, selon l’accusation.

L’accusé a reconnu lors de l’instruction avoir su ce qui se passait dans le camp concernant les chambres à gaz et les crémations des cadavres. Mais il a assuré ne pas avoir pu fuir, sous peine d’être lui-même tué.
« L’âge ne doit pas empêcher la tenue d’un procès »

« Pourquoi faire ce procès aujourd’hui ? Il faut se souvenir de ce qui s’est passé la semaine dernière à Halle » avec la tentative meurtrière d’un attentat contre une synagogue par un extrémiste de droite allemand, avait indiqué juste avant l’audience à Hambourg un représentant du Centre Simon Wiesenthal, spécialisé dans la traque des nazis, Ephraim Zorhoff. « L’âge ne doit pas empêcher la tenue d’un procès. Il a été un rouage de la plus grande tragédie de l’Histoire et il a choisi de le faire », a-t-il ajouté.

Environ 65 000 personnes sont mortes dans ce camp, essentiellement des femmes juives des pays baltes et de Pologne. Le camp a été intégré au système d’extermination des Juifs en juin 1944. Il est tristement connu pour avoir compté 34 gardiennes identifiées plus tard comme ayant commis des crimes contre l’humanité. C’est au Stutthof aussi que des Waffen-SS norvégiens ont sévi.
23 affaires de ce type en cours d’instruction

Ces dernières années, l’Allemagne a jugé et condamné plusieurs anciens SS pour complicité de meurtre, illustrant la sévérité accrue, mais très tardive, de sa justice. Parquets et tribunaux allemands ont en effet élargi aux gardiens de camps le chef d’accusation de complicité de meurtre, auparavant réservé aux personnes qui occupaient des postes élevés dans la hiérarchie nazie ou directement impliqués dans des homicides.
Newsletter - L’essentiel de l’actu
Chaque matin, l’actualité vue par Le Parisien
Votre adresse mail est collectée par Le Parisien pour vous permettre de recevoir nos actualités et offres commerciales. En savoir plus

Aucun de ces condamnés n’est cependant allé en prison jusqu’ici, pour raison de santé. Il y a encore 23 affaires de ce type en cours d’instruction au sein des parquets allemands, dont 12 concernent le seul camp de Sachsenhausen. Ce camp, situé à 30 km de Berlin, a permis l’internement, entre 1936 et sa libération par l’Armée rouge en 1945, de 200 000 personnes. 84 000 y ont perdu la vie.