Arabie : arrestation de huit écrivains et blogueurs, dont deux Américains

samedi 6 avril 2019
par  SUD Éduc

Ils étaient engagés « dans des échanges publics sur les réformes » en cours dans le royaume, selon des organisations de défense des droits de l’homme.

Riyad ne cède rien aux pressions. Bien au contraire. Au lendemain d’un vote du congrès américain en faveur d’une résolution exhortant Donald Trump à arrêter tout soutien à la coalition prosaoudienne engagée dans la guerre au Yémen, les autorités ont arrêté huit écrivains et blogueurs, dont deux ressortissants américains.

Ces arrestations ont été annoncées par des organisations de défense des droits de l’homme. Il s’agit de la première campagne de répression massive contre des personnalités de la société civile saoudienne depuis l’assassinat du journaliste dissident Jamal Khashoggi en octobre dans le consulat de son pays à Istanbul par un commando venu de Riyad, une affaire ayant fortement terni l’image de l’Arabie, notamment chez son allié américain.

Les écrivains et blogueurs arrêtés étaient « engagés dans des échanges publics sur les réformes », affirme l’organisation britannique ALQST, basée à Londres. Parmi eux figurent l’écrivain et médecin Bader al-Ibrahim et le militant Salah al-Haidar, qui ont tous les deux la nationalité américaine et saoudienne.

Selon un autre groupe de défense des droits de l’Homme « Prisonniers de conscience », dix personnes au total ont été arrêtées.

« Les autorités saoudiennes semblent vouloir à tout prix faire taire toute personne qui ose parler ou même exprimer ses opinions en privé ou publiquement », dénonce Amnesty International. « Cela dépasse le fait d’attaquer seulement des militants et semble maintenant cibler différents segments de la société. C’est un schéma très dangereux », estime Samah Hadid, directrice pour le Moyen-Orient d’Amnesty.

Salah al-Haidar est le fils d’Aziza al-Youssef, une militante arrêtée il y a un près d’un an lors d’une vaste campagne de répression et libérée provisoirement la semaine dernière aux côtés de deux autres militantes, la blogueuse Eman al-Nafjan et l’universitaire Rokaya al-Mohareb.
Accusations d’atteinte aux intérêts nationaux

Leur procès, très suivi, n’est toutefois pas terminé et huit autres militantes sont toujours détenues dans ce cadre. Ces onze femmes sont jugées depuis le 13 mars par une cour pénale à Riyad sur la base d’accusations de contacts avec des médias étrangers, avec des diplomates et avec des organisations de défense des droits de l’Homme. Elles ont notamment été accusées de porter atteinte aux intérêts nationaux et d’aider les « ennemis de l’État », allusion à une supposée collaboration avec le Qatar. La plupart d’entre elles ont été arrêtées en mai 2018, un mois à peine avant la levée historique d’une mesure interdisant aux femmes de conduire en Arabie.

Le gouvernement saoudien, qui n’a pas commenté les dernières arrestations, est confronté à de vives critiques internationales sur son bilan en matière de droits de l’Homme, particulièrement depuis que Mohammed Bin Salman, fils du roi Salman, est devenu prince héritier. La CIA l’accuse d’avoir ordonné l’assassinat de Jamal Khashoggi, mais il bénéficie aux États-Unis du soutien du président Donald Trump et de son gendre Jared Kushner.

Jeudi, les sénateurs américains - républicains et démocrates - ont donné leur feu vert à une résolution appelant Donald Trump à cesser son soutien à la coalition sous commandement saoudien qui bombarde les rebelles Houthistes au Yémen, soutenus par l’Iran, l’autre ennemi de la monarchie saoudienne. Un rare soutien transversal qui s’explique par la profonde colère provoquée au Congrès par l’assassinat de Jamal Khashoggi.