Débat entre François Ruffin et Olivier Besancenot

Des « frontières » pour quoi faire ? Le retour du protectionnisme de « gauche »
vendredi 11 décembre 2020
par  SUD Éduc

Pour François Ruffin, les restrictions sur la libre-circulation et « le retour aux frontières » devraient également viser « les gens du Nord » ainsi que les « marchandises ». « Je suis favorable aux retours des frontières sur : capitaux, marchandises et personnes. Mais je vais vous dire je suis favorable au retour des frontières aussi pour les gens du Nord qui vont voyager partout dans le monde. » note-t-il en ce sens.

On ne peut que partager le combat contre l’évasion fiscale, les accords de libre-échange - autant d’outils supplémentaires aux mains des grands capitalistes pour opérer des ponctions sur nos impôts et asservir toujours plus le monde du travail. Pourtant la réponse qu’y oppose Ruffin est celle du « retour aux frontières » nationales et d’une forme de protectionnisme de « gauche ». Un protectionnisme qu’il a également défendu récemment à propos de la fermeture de Bridgestone à Béthune en évoquant la nécessité, selon lui, d’un rétablissement des barrières douanières « des quotas d’importations, des taxes aux frontières, des barrières douanières et des taxes kilométriques ».

Or, cette réponse est éminemment contestable. Elle s’appuie en effet sur l’illusion de la possibilité d’un « bon » capitalisme national. Comme si les périodes de repli national avaient favorisé l’émancipation des travailleurs et des plus précaires… Un mythe qui s’appuie sur deux piliers réactionnaires. Le premier, l’idée que le patronat « français » serait l’allié des ouvriers « français ». Pourtant, tout démontre le contraire : le patronat français licencie, précarise et délocalise à tours de bras pour maximiser ses profits et il est largement représenté dans les 657 plans de licenciements organisés depuis mars. Vallourec, Renault, Daher, Orchestra, Auchan : rendre responsable la « mondialisation » c’est chercher à innocenter ces entreprises « bien de chez nous ». Ensuite, une telle démarche tend inéluctablement à faire de « l’étranger » le responsable de tous les problèmes. Et là encore, cette idée tend à exonérer totalement les classes dominantes françaises, qui sont pourtant celles qui organisent la mise en concurrence des travailleurs, la précarisation des conditions de travail de toutes et tous, l’exploitation des sans-papiers mais qui sont aussi les seules à en bénéficier réellement.

Des illusions qui existent au sein de notre classe et sur lesquelles s’appuient le discours de Ruffin, dont Olivier Besancenot pointait la contradiction dans un débat sur le protectionnisme. « Comment expliquer que tout une série de secteurs non délocalisables, la Poste, bâtiment, hôtellerie, transports, soient les secteurs en France qui soient les plus victimes de la précarité et des bas salaires, là on ne peut pas dire que c’est la concurrence étrangère qui est responsables du nivellement salarial par le bas. Dans l’industrie et le textile, c’est clair qu’il y a eu des phénomènes de délocalisation, mais là aussi ça reste une minorité, 15%, 20%, 30% qui s’expliquent par des délocalisations, une minorité. Qu’est-ce qu’on fait des 70% qui restent, qui ont perdu leur boulot, avec les drames, et qui ne proviennent pas des délocalisations ? » notait-il alors.