Droit de grève

samedi 14 avril 2018
par  SUD Éduc

Belgique

Confédération des Syndicats Chrétiens

Droit de grève, droit de l’homme !
Types de chômage
Par les temps qui courent, il est de bon ton d’opposer au droit de grève le doit au travail. Comme si l’un excluait l’autre. Et comme tout le monde a besoin de travailler, on a vite fait de choisir lequel a la priorité sur l’autre…
C’est aller un peu vite en besogne. Tout d’abord le droit de travailler, si on y réfléchit, ne devrait pas s’appliquer seulement à ceux qui ont un travail. Les quelques 650.000 personnes qui dans notre pays sont d’une façon ou d’une autre privés de travail, aimeraient bien qu’on leur reconnaisse aussi le droit au travail. Et ceux qui ont un travail et à qui on décide de l’enlever, sont bien contents de disposer du droit de grève pour au moins tenter de conserver ce travail dont on leur dénie tout à coup le droit.
Nos démocraties peuvent se targuer d’être le rempart des Droits de l’Homme, en accueillant notamment les persécutés dans le monde. Mais peuvent-elles d’autre part restreindre le droit de grève, soit parce qu’il coûte à certains, soit parce qu’il en gêne d’autres dans leur vie quotidienne, soit parce qu’il gêne le pouvoir en place ?

L’article 23 de la Déclaration universelle des Droit de l’Homme dit :

Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage.
Tous ont droit, sans aucune discrimination, à un salaire égal pour un travail égal.
Quiconque travaille a droit à une rémunération équitable et satisfaisante lui assurant ainsi qu’à sa famille une existence conforme à la dignité humaine et complétée, s’il y a lieu, par tous autres moyens de protection sociale.
Toute personne a le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts.

Le droit de grève est un moyen de pression qui s’inscrit dans le fonctionnement de la démocratie, mais qui est nécessaire pour garantir cet article 23 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme. Au point qu’il en est devenu consubstantiel.
Existe-t-il en effet une démocratie sans droit de grève ? Il y a-t-il quelque part une dictature qui le reconnaisse ? Non.
Aujourd’hui, Il apparaît comme une évidence qu’aucune hiérarchie ne peut être envisagée entre les droits de l’homme qui au fil du temps se sont additionnés pour former ce que nous appelons la démocratie.
Les droits civils et politiques dits de la première génération nés des révolutions libérales ; les droits économiques, sociaux et culturels qui reposent sur l’égalité et la garantie d’accès aux biens et services essentiels dans la vie économique et sociale, indispensables pour garantir la dignité humaine ; les droits collectifs, dits de la troisième génération qui garantissent aux peuples le droit à un développement durable, à la paix ou à un environnement sain, tous sont liés. Tous sont indissociables.
Ils forment un tout, sont indivisibles et interdépendants. Porter atteinte à l’un d’entre eux a forcément des conséquences sur tous les autres.
Pourtant le déni du droit de grève, et donc la remise en cause de la liberté syndicale comme droit social fondamental, se poursuit et s’intensifie, tant dans les pays pauvres que dans les pays riches.
Même s’il a toujours été menacé et attaqué, y compris en Belgique, les violations ont atteint une dimension nouvelle et cela dans des pays que nous pensions définitivement épargnés.
Aujourd’hui, par exemple, au sein même de l’Europe, plus de 260 syndicalistes espagnols sont poursuivis pour avoir exercé le simple droit de grève. Ces inculpations s’élèvent à un total de plus de 140 années de prisons. Certains accusés risquent même jusqu’à 8 années de prison. Et pour couronner le tout, ces accusations se basent sur un article du code pénal qui date encore de l’époque de la dictature franquiste.
Une des normes les plus fondamentales de l’OIT est la liberté syndicale, définie comme la liberté pour les travailleurs de négocier collectivement leurs conditions de travail. Cette liberté comporte nécessairement celle de décider collectivement de ne pas travailler à des conditions jugées collectivement inacceptables, autrement dit de faire grève. Le refus du groupe des employeurs à l’OIT de reconnaître cette réalité est à l’origine d’une crise importante au sein de cette organisation. C’est loin d’être une discussion en chambre. La position des employeurs participe d’une volonté globale d’affaiblir les droits des travailleurs et travailleuses partout dans le monde. Aucune partie du monde n’est épargnée.
Depuis près d’un siècle, l’OIT élabore des normes internationales du travail. Ces normes du travail concernent avant tout l’épanouissement des hommes et des femmes en tant qu’êtres humains. Dans la déclaration de Philadelphie de l’OIT en 1944, la communauté internationale rappelait que « le travail n’est pas une marchandise ». Le travail n’est pas un produit inanimé comme une banane ou un smartphone que l’on peut négocier pour maximiser son profit ou minimiser son prix. Les normes internationales du travail garantissent que le développement économique reste axé sur l’objectif consistant à améliorer la vie des hommes et des femmes et à préserver leur dignité. La liberté syndicale et le droit de négociation collective font partie des normes fondamentales de l’OIT.
Pourtant, l’état des violations des droits syndicaux demeure inquiétant. Selon le dernier rapport annuel de la Confédération Syndicale Internationale (CSI), 1.951 syndicalistes ont subi en 2013 des violences et 629 ont été détenus illégalement en raison de l’action collective qu’ils avaient menée. Des syndicalistes ont été assassinés dans dix pays. Rien qu’en Colombie, on compte 26 syndicalistes tués, plus de deux par mois !
La liberté syndicale et le droit de grève sont pourtant intangibles. Les droits du travail sont des droits de l’Homme et de la Femme et en tant que tels ils ne sont ni négociables, ni à géométrie variable. Le droit de grève, pour les travailleurs, c’est comme le suffrage universel : c’est le droit et le pouvoir de s’exprimer, de faire entendre leur voix, de défendre leurs droits là où ils vivent et travaillent, dans leur entreprise, directement, sans intermédiation. Le droit de grève fait partie intrinsèque du syndicalisme. Sans droit de grève, il n’y a plus de syndicalisme libre, progressiste et indépendant. La reconnaissance internationale du droit de grève doit être réaffirmée et la liberté syndicale doit être reconnue et respectée partout dans le monde.

C’est pourquoi la CSI, la CES, la CGSLB, la CSC, la FGTB, la Ligue des Droits de l’Homme et la Liga voor Mensenrechten participent à la journée d’action mondiale du 18 février en défense de la liberté syndicale et du droit de grève comme droit humain fondamental dont la remise en cause porte atteinte à tous les droits fondamentaux.
Sharan BURROW pour la CSI, Bernadette SEGOL pour la CES, Olivier VALENTIN pour la CGSLB, Marie-Hélène SKA pour la CSC, Marc GOBLET pour la FGTB et Alexis DESWAEF pour la Ligue des Droits de l’Homme.