En Chine, "le coronavirus est aussi un drame social »

jeudi 5 mars 2020
par  SUD Éduc

L’économie tourne au ralenti et des dizaines de millions d’ouvriers et d’employés vivent des situations kafkaïennes, relate Frédéric Lemaître, correspondant du « Monde » à Pékin.

Chronique. Gares désertes – voire carrément fermées –, magasins clos, chantiers à l’arrêt… Depuis le 24 janvier, la Chine est en léthargie. Pour cause de coronavirus, les congés du Nouvel An lunaire, qui durent habituellement une semaine, n’en finissent plus. La décision de la municipalité de Pékin, annoncée le 14 février, de placer en quarantaine toute personne rentrant dans la ville signifie que, rien que dans la capitale, des millions de travailleurs migrants ne pourront, au mieux, reprendre leur travail que début mars.

Partout dans le pays, les témoignages abondent de travailleurs migrants incapables de rejoindre les usines qui les emploient. Soit parce qu’ils ne peuvent pas quitter la ville où ils se trouvent, soit parce qu’ils ne peuvent pas accéder à celle où ils travaillent ou y entrer, soit parce que les propriétaires des logements collectifs qu’ils occupent refusent désormais de loger les personnes qui ont résidé à l’extérieur.
Entreprises à l’arrêt

Et quand ils parviennent à lever tous ces obstacles, il leur arrive de trouver porte close. Parce que les autorités n’ont pas encore envoyé d’équipes sanitaires vérifier les locaux, ou parce que l’employeur ne dispose pas de stocks de masques suffisants, nombre d’entreprises restent actuellement à l’arrêt. Faute de masques, les trois quarts des taxis de Shenzhen n’ont pas pu reprendre le travail.

Par ailleurs, tout rassemblement est actuellement interdit en Chine. La hantise de tout responsable local est de donner son feu vert à une reprise d’activité qui faciliterait la transmission du SARS-CoV-2. Même si Pékin commence à s’inquiéter du ralentissement de l’activité économique, les responsables locaux continuent, eux, de privilégier le combat contre la propagation du virus.
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Tous les secteurs sont concernés : des mines de charbon, dans le nord du pays, qui ne tournent qu’à la moitié environ de leur capacité, aux usines géantes de Foxconn qui ne rouvrent que partiellement dans le sud. Conséquence de cette quarantaine généralisée : des dizaines de millions, et sans doute bien davantage, d’ouvriers, livreurs, femmes de ménage, employés de commerce vivent actuellement une situation kafkaïenne. Non seulement ils ne sont pas payés, mais leur employeur risque bien de mettre prochainement la clé sous la porte.