État d’urgence : quelles conséquences ?

Après les attentats du 13 novembre qui se sont déroulés à Paris et à Saint-Denis (93), l’état d’urgence a été décrété le soir même. Les Cahiers d’alter consacrent leur dossier à cette notion d’état d’urgence et à ce qu’elle signifie, afin de réfléchir collectivement face à cette situation pour beaucoup d’entre nous inédite.
dimanche 6 décembre 2015
par  SUD Éduc

Qui décidera demain si un citoyen est dangereux ou pas pour la sécurité de l’État ?

Le problème avec le projet de modification de la constitution est qu’alors que le rôle de celle- ci est de protéger les citoyen.ne.s contre les abus possibles des responsables politiques, il s’avère que ce sont les politiques eux-mêmes qui ont pris le pouvoir sur la constitution.

Si les politiques se posaient vraiment en garant.e.s de la démocratie, les propositions de modifications de la constitution devraient être référendaires et non oligarchiques, avant tout un outil citoyen qui permette au peuple de décider de modifier ou pas les bases fondatrices de la République. Il n’en est rien.

Dressée comme un obstacle face à des ambitions politiques et à des projets de domination, sa modification, sans consultation populaire préalable même si elle connaissait son lot habituel de manipulation par la peur et exacerbait les instincts basiques plus forts que la raison, serait une première fissure qui pourrait vite se transformer en brèche.

Demain, on pourra à nouveau la modifier en déplaçant le curseur et mettre à l’amande toutes celles et ceux qui refuseraient de se prêter à un jeu électoral affligeant. Qui pourrait nous garantir qu’ en déplaçant le curseur, on pourra même les mettre à l’amande ou les faire condamner pour obstruction aux « règles démocratiques » pour leur refus de donner une légitimité à des partis constitués en groupes d’intérêts, qui n’en auraient plus ? Qui pourra nous garantir, qu’en déplaçant un peu plus loin le curseur on ne considérera pas une partie de la population comme indigne de bénéficier des libertés fondamentales ? Quelles arguments pourraient convaincre toutes celles et ceux qui aujourd’hui cherchent des alternatives dans des structures parallèles, qui décident de se marginaliser pour échapper à la logique d’un système globalisé qui est en train de modifier notre société au point de ne plus jouer son rôle basique de solidarité nationale et internationale, de protection des habitant.e.s de la planète et de projet collectif sans lequel on n’arrivera pas à garantie la survie d’une grande partie de l’Humanité ?

La démarche est des plus dangereuses, car elle risque d’ôter le peu de confiance qu’il reste aux Français.e.s sur la possibilité de continuer à construire une société sur les valeurs héritées de 1789. Si tel était le cas, ce serait la porte ouverte à n’importe quelle dérive totalitaire et l’état d’urgence que le gouvernement souhaite prolonger n’est qu’un avant goût de ce qui pourrait devenir la norme lorsque les mêmes idées sont brandies par des partis traditionnellement classés à droite ou à gauche.

L’essentiel, n’est pas le nom du parti, mais les idées qu’il incarne et la forme qu’elles prennent. Il va être extrêmement difficile d’expliquer (encore moins de convaincre) au « peuple de gauche » que leur vote FN se limite au choix d’un sigle, car, au fond, le PS peut en faire autant.

Un socialiste déclarait que si ce même peuple qui pendant des années a fait du porte à porte, a vendu des journaux, a entretenu le tissu associatif sur son temps libre, a risqué son travail pour défendre le sens profond de notre devise, ne se mobilisait pas pour ces élections il ne se mobiliserait plus jamais. J’ai bien peur que ce ne soit plus jamais ou du moins, pas pour défendre ces valeurs. Lorsque celles et ceux qui se doivent de nous représenter et de défendre un programme sur lequel ils/elles ont été élu.e.s sont capables de mettre en danger l’essence même de ce qui fait notre société dans le but inavoué de remonter dans des sondages et de garantir la pérennité de leur pouvoir, que peut-on attendre du résultat de ces nouvelles élections, quel qu’ils soient ?

L’abstention est aussi le refus de leur donner les commandes du curseur. Qu’ils et elles mènent leur logique jusqu’au bout et en assument l’entière responsabilité. Nos peurs sont leur force. .