Fonction publique : Le privé en embuscade

samedi 4 janvier 2020
par  SUD Éduc

Les fonds d’investissement n’ont jamais autant convoité les affaires publiques. Ils sont très bien représentés dans le comité « Cap 2022 », mis en place par Emmanuel Macron pour réfléchir à la « réforme de l’État ». Ces mastodontes du privé y poussent leurs pions, privilégiant leurs intérêts au détriment de ceux du service public et des fonctionnaires.

Les 34 experts du Comité action publique 2022 (Cap 2022), qui doit rendre dans les prochains jours ses propositions pour la réforme de l’État, ont tout d’une dream team macronienne. Une moitié de hauts fonctionnaires, souvent anciens conseillers des gouvernements précédents, quelques élus et économistes du premier cercle d’Emmanuel Macron (Philippe Aghion, Laurent Bigorgne, Jean Pisani-Ferry), huit patrons et autant de hauts fonctionnaires ou d’hommes politiques ayant fait des allers-retours entre le public et de grandes entreprises privées. Le tout dans une absence éblouissante de pluralisme. _« Il y a bien quelques start-uppers pour faire “société civile”, mais rien de ce qui constitue en réalité l’action publique de l’État : fonctionnaires, syndicalistes, usagers… C’est un comité hors-sol », _note Nicolas Framont, sociologue (1).

Le mélange du public et du privé n’a rien de surprenant au regard du parcours d’Emmanuel Macron lui-même. Les personnes choisies donnent en revanche des indications précieuses sur la philosophie générale et les arrière-pensées de la future « modernisation » de l’action publique.

Conformément à la volonté de l’exécutif de miser sur une dématérialisation des services publics, on retrouve plusieurs acteurs du numérique (l’ancien DG de Deezer et président de Publicis, Axel Dauchez, ou le fondateur de Bob emploi, Paul Duan, par exemple). Une importante délégation d’agences immobilières est également présente (Icade, Nexity, dont la secrétaire générale copréside Cap 2022, Lone Star et la vice-présidente de la Commission des comptes du logement, Sabine Baïetto-Beysson), ce qui souligne le mouvement d’économies budgétaires amorcé sur la politique de logement social. Plusieurs protagonistes sont d’ailleurs engagés dans le chantier pharaonique du Grand Paris. Un big bang dans le versement des prestations sociales – si le « versement unique » voulu par le candidat Macron devait être mis en chantier – aurait un fort impact sur le secteur.

On compte surtout des experts ès privatisations, qui présentent tous le même CV en quatre temps : haute fonction publique, coulisses du pouvoir, grandes entreprises d’État privatisées et fonds d’investissement. On retrouve ainsi un ancien conseiller de François Mitterrand, Guillaume Hannezo, passé chez l’assureur AGF, privatisé, puis à la direction financière de la Compagnie générale des eaux, privatisée elle aussi à travers Vivendi, finalement recruté comme banquier d’affaires pour le fonds texan Lone Star.