Le suicide d’une directrice d’école, révélateur d’un « mal être » de la profession

jeudi 26 septembre 2019
par  SUD Éduc

AFP26 septembre 2019
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Le suicide d’une directrice de maternelle met en lumière un profond « mal-être » ressenti par la profession, lié à l’isolement et à un manque de reconnaissance

Paris (AFP) - Le suicide d’une directrice de maternelle, qui a laissé un courrier mettant en cause l’Education nationale et ses conditionLs de travail, met en lumière un profond « mal-être » ressenti par la profession, lié à l’isolement et à un manque de reconnaissance.

« Samedi, je me suis réveillée épouvantablement fatiguée » : c’est par ces mots que commence une longue lettre envoyée à son inspection par cette directrice, retrouvée morte lundi dans le hall d’une école maternelle de Pantin (Seine-Saint-Denis), qui a été diffusée sur les réseaux sociaux.

L’enseignante de 58 ans y décrit ensuite des soucis « accumulés », le risque de fermeture de classe qui concourt « au stress », « des petits soucis à régler » en permanence qui occupent tout le temps de travail... « Mais les directeurs sont seuls ! », se désole-t-elle, parlant d’« épuisement ».

Un rassemblement est prévu jeudi soir devant son école, où sont scolarisés environ 300 enfants.

Dans un tweet, le ministre de l’Education Jean-Michel Blanquer a exprimé « sa profonde tristesse » et indique avoir missionné l’Inspection générale.

« Il faut une réflexion sur le statut de directeurs d’école, soumis à de plus en plus de tensions, de violences », ajoute-t-on dans l’entourage du ministre.

« Il y a un profond mal être des directeurs d’école », s’insurge pour sa part Stéphane Crochet, secrétaire général du SE-Unsa. L’an dernier, une enquête sur leur moral, dont le syndicat était partenaire, indiquait que 82% des directeurs d’école trouvent du sens et de l’intérêt à ce qu’ils font, mais 91% déplorent un temps de travail hebdomadaire excessif estimé à 45 heures et plus.

« Complexification des missions, dégradation des conditions d’exercice, double mission directeur et enseignant sont autant de raisons expliquant ces chiffres », selon le syndicat.

« Avec des pics de travail et d’anxiété », comme la période de la rentrée, où les directeurs subissent « une charge de travail considérable », selon Stéphane Crochet. « Ils sont au four et au moulin, sommés de répondre à diverses injonctions, et le gros de leur travail reste invisible aux yeux des familles », poursuit-il.

- « Nous demandons une aide » -

« Si on est un peu fragile, on peut vite se sentir poussé à bout », témoigne ainsi cette directrice d’école maternelle en quartier défavorisé (REP) de l’académie de Montpellier, souhaitant rester anonyme. « Pas une journée ne se passe sans une plainte des parents, une nouvelle demande administrative, un problème avec un collègue. A force, on peut se sentir épuisé si l’on n’est pas soutenu ».

Quid de la hiérarchie, les inspecteurs ? « On ne les voit pas tous les jours et on hésite parfois à les solliciter de peur qu’un problème signalé se retourne contre nous », raconte-t-elle.

L’an dernier, c’est le sentiment de solitude de nombreux profs qui avait déclenché une avalanche de témoignages sur les réseaux sociaux, sous la bannière #pasdevague, après la publication d’une vidéo montrant un élève en train de menacer sa professeur avec une arme factice.

Tout professeur des écoles peut « faire fonction » de directeur ou directrice (avec décharge et indemnité variant selon la taille de l’école) : pour être nommé, il faut s’inscrire sur une liste d’aptitude départementale. Les professeurs retenus suivent ensuite une formation de quelques semaines.

L’an dernier, l’OCDE a appelé à clarifier et revaloriser leur rôle et leur statut en France, pour renforcer l’attractivité de cette fonction. Un directeur d’école primaire gagne par exemple 7% seulement de plus qu’un enseignant, alors que l’écart est de 41% en moyenne dans les autres pays de l’OCDE.

« Nous ne voulons pas faire des directeurs et directrices d’école des supérieurs hiérarchiques », assure Francette Popineau, secrétaire générale du Snuipp-FSU, le premier syndicat du primaire. « Ce que nous demandons, ce sont des emplois d’aide à la direction pour qu’ils puissent se concentrer sur leur mission : animer une équipe et coordonner les projets », ajoute-t-elle.

Car la suppression des contrats aidés au début du quinquennat d’Emmanuel Macron et l’accroissement de nouvelles demandes institutionnelles faites aux écoles ont rendu leur quotidien encore plus difficile, explique le syndicat.