Comment le 8 mars est devenue la journée internationale des femmes.

Photo de Clara Zetkin, une enseignante, journaliste et femme politique allemande. La réelle instigatrice de la Journée internationale des femmes ?
samedi 6 mars 2021
par  SUD Éduc

Les Nations Unies ont officialisé la journée du 8 mars en 1977. Toutefois, cette journée puise ses origines dans l’histoire des luttes ouvrières et des manifestations de femmes au tournant du XXe siècle en Amérique du Nord et en Europe.

À partir de 1909, les États-Unis, sous l’impulsion de femmes socialistes américaines, décident d’organiser chaque année, le dernier dimanche de février, une « Journée nationale des femmes » (National Woman’s Day) pour célébrer l’égalité des droits civiques.

C’est lors de la deuxième conférence internationale des femmes socialistes, en 1910 à Copenhague, que Clara Zetkin, journaliste et militante allemande, appelle les « femmes socialistes de tous les pays » à organiser chaque année une Journée internationale des femmes. Elle est célébrée dès le 19 mars 1911 en Autriche, Allemagne, Danemark et en Suisse.

En Russie, une « Journée internationale des ouvrières » est célébrée le 3 mars 1913 puis le 8 mars 1914. Lors du 8 mars 1917 (23 février 1917 selon le calendrier julien en vigueur dans le pays à ce moment-là), des femmes manifestent dans les rues de Petrograd (Saint-Pétersbourg) pour exiger « le pain et la paix ». Cette manifestation marque le début de la révolution russe et la date du 8 mars sera officiellement célébrée en Union soviétique à partir de 1921.

Après la Seconde Guerre Mondiale, le 8 mars est célébré dans de nombreux pays. C’est en 1977 que les Nations Unies officialisent la Journée internationale des femmes, incitant ainsi tous les pays du monde à fêter les droits des femmes.

Une initiative du mouvement socialiste

Car c’est un fait, « c’est en août 1910, à la IIe conférence internationale des femmes socialistes, à Copenhague, à l’initiative de Clara Zetkin, militante allemande, qu’a été prise la décision de la célébrer », ajoute l’historienne. La date du 8 mars n’est pas avancée, mais le principe est admis : mobiliser les femmes « en accord avec les organisations politiques et syndicales du prolétariat dotées de la conscience de classe ». La Journée des femmes est donc l’initiative du mouvement socialiste et non du mouvement féministe pourtant très actif à l’époque. « C’est justement pour contrecarrer l’influence des groupes féministes sur les femmes du peuple que Clara Zetkin propose cette journée, précise Françoise Picq. Elle rejetait en effet l’alliance avec les “féministes de la bourgeoisie”. »

Quelques années plus tard, la tradition socialiste de la Journée internationale des femmes subit le contrecoup du schisme ouvrier lié à la IIIe Internationale. C’est en Russie que la Journée des femmes connaît son regain : en 1913 et en 1914, la Journée internationale des ouvrières y est célébrée, puis le 8 mars 1917 ont lieu, à Petrograd (aujourd’hui Saint-Pétersbourg), des manifestations d’ouvrières que les bolcheviques désignent comme le premier jour de la révolution russe. Une nouvelle tradition est instaurée : le 8 Mars sera dès lors l’occasion pour les partis communistes de mobiliser les femmes. Après 1945, la Journée des femmes est officiellement célébrée dans tous les pays socialistes (où elle s’apparente à la fête des mères !).

Les couturières new-yorkaises, un mythe né en 1955

Mais alors comment est né le mythe des couturières new-yorkaises ? « C’est en 1955, dans le journal L’Humanité, que la manifestation du 8 mars 1857 est citée pour la première fois », explique Françoise Picq. Et l’origine légendaire, relayée chaque année dans la presse, prend le pas sur la réalité. Pourquoi détacher le 8 Mars de son histoire soviétique ? « Selon l’une de mes hypothèses, poursuit-elle, Madeleine Colin, qui dirige alors la CGT, veut l’affranchir de la prédominance de l’UFF2 et du parti communiste pour qu’elle suive ses propres mots d’ordre lors du 8 Mars. La célébration communiste de la Journée des femmes était devenue trop traditionnelle et réactionnaire à son goût… » Et c’est pourquoi, en se référant aux ouvrières américaines, elle la présente sous un nouveau jour : celui de la lutte des femmes travailleuses…