Libertés syndicales : « Les attaques viennent de tout bord et sont quasi systématiques »

jeudi 27 février 2020
par  SUD Éduc

La CGT dénonce les atteintes au droit de manifester et de faire grève, et « les graves préjudices subis par des représentants des salariés ». Des entraves qui se multiplient en pleine mobilisation contre la réforme des retraites, selon Céline Verzeletti, secrétaire confédérale du syndicat.

Libertés syndicales : « Les attaques viennent de tout bord et sont quasi systématiques »

Sur le front depuis près de trois mois pour réclamer le retrait de la réforme des retraites, au rythme d’une manifestation interprofessionnelle par semaine, la CGT a dû se résoudre à espacer davantage ces grands rendez-vous militants en accord avec les autres centrales de l’intersyndicale. La prochaine grande mobilisation est programmée au 31 mars. Mais pas question d’abandonner le terrain. D’ici là, la centrale promet d’organiser diverses actions militantes. Ce jeudi, elle appelle à des rassemblements autour de la défense des libertés syndicales. Un enjeu plus que jamais d’actualité, tant les cas d’entraves ont explosé depuis le début de la mobilisation contre le projet de loi du gouvernement, selon Céline Verzeletti, secrétaire confédérale de la CGT.
La CGT dénonce une fragilisation du libre exercice de l’action revendicative syndicale et militante. Quel est le constat ?

Les cas de répression et d’atteintes aux libertés syndicales se multiplient, qu’il s’agisse d’atteintes au droit de manifester et de faire grève, ou d’entraves aux droits syndicaux. Le phénomène n’est pas nouveau, mais il ne cesse de se développer, et ce plus encore depuis le 5 décembre. Lorsqu’il y a une forte mobilisation, comme celle contre la réforme des retraites par points, et que la situation sociale est plus explosive, il y a toujours plus de répression.
Par exemple ?

Il y en a tellement… Pour n’importe quelle raison, on empêche des militants d’exercer leurs mandats syndicaux. Récemment, deux camarades travaillant dans une crèche du Val-d’Oise, dont une responsable confédérale, ont été convoquées disciplinairement par leur direction qui leur reproche notamment d’avoir donné des informations confidentielles à la presse. Et ce parce qu’elles ont participé à une émission au cours de laquelle elles ont dénoncé les conditions de travail dans les crèches. Il y a de plus en plus de plaintes au commissariat de la part de directions d’entreprise qui accusent des élus de diffamation. Les directions montent parfois des dossiers de toutes pièces contre des syndicalistes. C’est une manière de dissuader les autres, de tenter de stopper toutes initiatives militantes, de restreindre la possibilité de s’organiser collectivement. Depuis deux ou trois ans, on observe un changement : désormais les leaders, les dirigeants syndicaux sont ciblés. Ce n’est pas un hasard. Rien qu’au sein de la commission exécutive de la CGT, sur une cinquantaine, trois camarades ont subi des atteintes graves. Un responsable départemental, a été arrêté et placé en garde à vue suite à des accusations de violences sur les forces de l’ordre. Un autre a été condamné après un appel à un rassemblement.
Ces atteintes que vous dénoncez dépassent donc le seul cadre de l’entreprise ?

Les manifestations sont un sujet important. Ces derniers temps, plusieurs préfectures ont bloqué nos déclarations de parcours. Des manifestants se sont aussi retrouvés en garde à vue durant plusieurs heures, alors que les dossiers étaient vides. Simplement pour qu’ils ne puissent pas participer aux manifs… C’est purement scandaleux ! Sans oublier les violences policières et l’utilisation des armes comme les LBD. De plus en plus de camarades, même dans les villes moyennes, nous disent que les manifestations ne se déroulent pas bien, qu’ils se font nasser, interpeller. A noter aussi les poursuites disciplinaires ou judiciaires de grévistes à la RATP, la SNCF ou encore chez EDF, suite à des actions. Les attaques viennent de tout bord et sont quasi systématiques.
L’an passé, en septembre, le Défenseur des droits avait tiré la sonnette d’alarme. Selon son baromètre, un syndiqué sur deux estime avoir déjà été discriminé en raison de son activité syndicale. Depuis la publication de cette enquête, que s’est-il passé ?

Rien ! En octobre, nous avions interpellé le Premier ministre avec l’ensemble des organisations syndicales. Les résultats de l’enquête du Défenseur des droits sont inquiétants, ils confirment ce que nous disons depuis des années : que les discriminations syndicales, notamment en termes de parcours professionnel et de rémunérations, sont loin d’être anecdotiques, dans le privé comme le public. Au contraire, cela résulte d’une véritable politique patronale envers les syndicalistes remettant en cause les libertés syndicales. C’est un signal envoyé aux salariés pour leur dire : « Voyez à quoi vous vous exposez si vous vous syndiquez. » Nous pensions que ce rapport allait faire réagir le gouvernement, que la ministre du travail allait nous réunir pour réfléchir à des solutions. D’autant que le Défenseur des droits avait formulé des préconisations. Mais rien ne s’est passé…
Quelles sont les revendications de la CGT ?

Nous réclamons l’abandon de la loi anticasseurs qui va jusqu’à interdire le port d’un foulard en manifestation, et l’arrêt de toutes entraves administratives aux libertés de manifester. Le droit de grève doit être respecté, ce qui passe notamment par une suppression, ou du moins une réduction, des délais de préavis dans les entreprises où il y a un service minimum. Les poursuites pénales et judiciaires des militants doivent cesser et ceux qui ont déjà été condamnés injustement doivent être amnistiés. Il faut aussi redonner des moyens syndicaux aux élus et consolider leurs locaux, notamment les Bourses du travail qui sont menacées d’expulsion dans de nombreuses communes. Quant aux discriminations syndicales en entreprises, pour les combattre, il faut du préventif. Et surtout des indicateurs pour les mesurer. Puis, ensuite, les effacer par le dialogue social.