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lundi 16 décembre 2019
par  SUD Éduc

SNCF : la grève, c’est mauvais pour la santé

Une grève “illégitime” menée pour des raisons occultes et mençant de causer des dizaines de morts et de blessés parmi les usagers : sur toutes les chaînes, les experts du système ferroviaire dénoncent le maximalisme de syndicats pousse-au-crime.

« Ça va être horrible, y a trop de monde, on va se faire écraser ! », s’épouvante une voyageuse en ouverture du 20 heures de France 2. « Ce fut un mardi noir, apparaît Anne-Sophie Lapix. Demain sera à peine plus sombre. » Plus sombre que noir ? « Le gouvernement promet de tenir et prédit des jours difficiles pour les usagers. » Des jours plus que noirs.

Etrange sensation devant ce 20 heures titré « SNCF : Pagaille sur les rails » : il ressemble à s’y méprendre un 13 heures de Jean-Pierre Pernaut. Quinze minutes de voyageurs « excédés » et de chefs d’entreprise compréhensifs mais terriblement « impactés », rencontrés au fil de reportages sur « la galère des voyageurs » dans les transports du soir et du matin. Après quoi, Anne-Sophie Lapix annonce : « Nos journalistes ont partagé la galère des voyageurs. » Encore ? « Ils ont tenté de rejoindre Saint-Etienne en partant de Paris et sans réservation. » En passant par Tourcoing et en marchant sur les mains. Le bandeau proclame, tout fier, « Grève : on a voulu rallier Saint-Etienne ! »

Je passe sur les indubitables statistiques fournies par Jean-Paul Chapel qui, après avoir prouvé la veille l’absence de raison valable pour faire grève, démontre ce mardi (comme David Pujadas avant lui sur LCI) que la France est sérieusement atteinte de « gréviculture ». « Depuis 1947, l’entreprise n’a pas connu une seule année sans grève. » Selon un document exclusif dégotté par les limiers de 24h Pujadas… sur le site de la SNCF.

Je passe aussi sur l’éditorial de Nathalie Saint-Cricq, pour qui le gouvernement va devoir faire « de la pédagogie » parce que les cheminots et les Français sont vraiment trop idiots pour comprendre la réforme. Non, pour bénéficier d’avis contradictoires, il faut regarder les débats pluralistes organisées sur d’autres chaînes. Par exemple, sur France 5, C dans l’air réunit les avis variés de Christophe Barbier (tuteur de rampants), Brice Teinturier (sondologue de plateaux), Raymond Soubie (ex-conseiller social de Sarkozy) et Fanny Guinochet (journaliste de L’Opinion). Ça va saigner.

« Les mesures annoncées par le gouvernement ne méritent pas un tel rejet », estime Raymond Soubie, pour qui la grève s’explique par « les élections professionnelles à la fin de l’année ». Ça se confirme sur Canal+ : Jean-Emmanuel Ray, professeur de droit du travail, rappelle à Yves Calvi que « les élections dans la fonction publique ont lieu bientôt. Vous allez me dire : “Les cheminots ne sont pas fonctionnaires”, mais la CGT a bien compris qu’elle devait défendre le statut à tout prix ». Cette fois, c’est certain, la grève à la SNCF n’a rien à voir le transport ferroviaire, c’est juste une opération de propagande électoraliste.

Brice Teinturier assure : « Les salariés du privé approuvent tout à fait le gouvernement. » Comment a-t-il deviné ? Je viens juste de poster une lettre à Edouard Philippe pour le féliciter.

Sur LCI, 24h Pujadas propose un débat encore plus équilibré puisqu’il réunit un représentant de chaque parti : Valérie Boyer (LR), Gilles Le Gendre (LREM), Adrien Quatennens (France insoumise) et Emmanuelle Ménard (FN). Qui déclare : « Vous vous rendez compte, les gens qui passent par les fenêtres, qui traversent les voies !? C’est dangereux, ils auraient pu en mourir ! » Tués par la grève.

« On a répertorié deux blessés, poursuit la députée FN, des tonnes de malaise dans les rames. » « Et ça pourrait durer trente-six jours dans les trois prochains mois », renchérit David Pujadas, qui reprend les arguments du FN à son compte pour interroger Adrien Quatennens : « Quand on voit effectivement ce qui s’est passé, les gens qui rentrent par les fenêtres, les deux blessés, vous dites : on est prêt à faire trente-six jours de cette grève-là ? » Au risque de provoquer une hécatombe ? Ce serait criminel.

Heureusement, Gilles Le Gendre, député LREM, se montre particulièrement conciliant : « Nous n’avons pas à critiquer les grévistes parce qu’ils exercent leur droit de grève. » Jamais de la vie. Cependant, ajoute-t-il, « cette grève perlée est une erreur. Pour les usagers, c’est une sorte de supplice chinois ». Si au moins les cheminots tuaient leurs victimes sur le coup, mais en plus ils les torturent avant de les achever.

Pour David Pujadas, il est urgent « de se demander ce qu’il est advenu de ce fameux service minimum qu’un ancien président de la République avait instauré, dont il vantait les mérites. Ecoutez Nicolas Sarkozy ». C’est toujours un plaisir. « “Aujourd’hui, quand il y a une grève, plus personne ne s’en aperçoit”, disait Nicolas Sarkozy », reprend le présentateur. Raté. Alors, « qu’en est-il de ce service minimum ? » « Petite parenthèse, le service minimum, ça ne sert absolument à rien », lui répond Yves Calvi sur Canal+.

« Y a pas de service minimum ! », s’exclament en chœur ses invités de toutes tendances. Outre le juriste précédemment cité, on y trouve le grand éditorialiste Nicolas Beytout et l’éminent économiste Elie Cohen, qui explique : « A partir du moment où la réquisition n’est pas possible, il ne peut pas y avoir de service minimum. » Scandaleux ! Il faudrait réformer le statut des cheminots pour y introduire la réquisition en cas de grève. « Nicolas Sarkozy a beaucoup fanfaronné, rappelle Yves Calvi. Résultat, c’est une catastrophe, hein. » Même pas cap’ d’envoyer la troupe réquisitionner les conducteurs de train. Je me demande si je ne vais pas demander l’asile en Syrie.

Sur France 5, on est passé à la grève dans les universités, brillamment décryptée par Raymond Soubie : « Ce que nous voyons là, c’est surtout des blocages dans des lieux traditionnellement très marqués à l’extrême-gauche, par des groupes qui sont en grande partie d’extrême-gauche. » Des groupes d’extrême-gauche dans des facs d’extrême-gauche, c’est extrêmement extrême. « Cela dit, je suis comme toujours de l’avis de Fanny Guinochet… » Oups, pardon, je dérange, je vous laisse deviser. Quoique…

Un petit Barbier avant de se quitter ? L’éditorialiste se souvient de Mai 68 : « Le mouvement de mai a débordé non quand les étudiants ont occupé les facs mais quand on les en a chassés et qu’on les a fermées. Là, pour l’instant, ils sont plutôt dedans. » C’est rassurant. Plutôt que d’appeler des gros bras pour les déloger, comme à Montpellier, il vaudrait mieux les y séquestrer jusqu’en juillet.

« Enfin, s’étonne Christophe Barbier, il est quand même curieux de voir les cheminots se battre pour un statut qu’ils vont conserver, qui ne leur sera pas appliqué, et de voir des étudiants bloquer des facs pour une sélection qui ne leur sera pas appliquée puisqu’ils sont déjà en fac ! » Ces gens sont vraiment des demeurés, ils se battent pour des principes, par solidarité avec leurs futurs pairs… Ils ne pourraient pas plutôt cultiver leur intérêt privé, à l’instar de leur tuteur ?

Allez, encore un petit Brice Teinturier, qui répond à une question de bon sens posée par un téléspectateur : « Comment peut-on prétendre défendre le service public et le supprimer pendant plusieurs semaines ? » « C’est ce qui nourrit l’idée chez les salariés du privé que cette grève n’est absolument pas légitime parce que le paravent de la défense du service public est de moins en moins crédible. » C’est vrai, en tant que salarié du privé, je n’en ai rien à taper, de leur service public. C’est vous dire si la grève est illégitime.

« Les Français sont majoritairement pour la réforme, renchérit Apolline de Malherbe sur BFMTV, ils ont élu Emmanuel Macron. » Justement pour qu’il réforme le statut des cheminots. « Cette réforme concerne l’ensemble des Français », assure Hervé Gattegno. Le présentateur Olivier Truchot intervient : « L’ensemble des Français paye pour la SNCF puisque c’est un service public. Même si on prend pas le train. » Quelle injustice ! Il paraît même qu’à cause de cette fichue sécurité sociale des bien-portants paient pour des malades et des actifs pour des retraités… Quand cela finira-t-il ?

Hervé Gattegno a une idée : « ll faut expliquer cette réforme aux Français. Il y a une grande perplexité des Français, qui vient d’une insuffisance de pédagogie du gouvernement. » Nathalie Saint-Cricq avait raison, les Français sont vraiment cons — pardon, perplexes.

Pour Bernard Sananès, le sondologue de BFMTV, cette grève, « j’allais dire, c’est un peu le retour à l’ancien monde ». « Ça nous rappelle notre jeunesse ! », s’enthouiasme Hervé Gattegno, provoquant le rire de Ruth Elkrief. Mais Bernard Sananès garde son sérieux. « Il faut bien se rendre compte qu’on est passé dans un nouveau monde du rapport à l’opinion. » L’ancien monde, c’est celui des cheminots.

« Jusqu’à présent, explique le sondoogue, les gens se prononçaient par rapport à l’esprit de la réforme, pour ou contre la réforme. Maintenant, ils vont se prononcer plutôt sur : Est-ce qu’on pour ou contre la grève ? » Seulement si sa société de sondage le décide, puisque c’est elle qui pose la question. « Et ça change tout. » Tu m’étonnes. « Parce que si je suis impacté directement par la grève [ou si je regarde BFMTV, France 5, LCI, France 2, etc.], je ne me prononce pas de la même manière que si je suis un retraité varois et que je ne prends pas le train tous les jours. » Et que je n’ai pas la télé.

Sur Canal+, dans L’info du vrai, les invités d’Yves Calvi débattent de la seule question qui compte, « Grèves : combien ça coûte ? » Un reportage m’apprend que « les coûts de personnel de la SNCF sont aujourd’hui largement supérieurs à ceux de ses concurrents ». Ça ne m’étonne pas, vu les avantages affriolants de ces nantis. Nicolas Beytout précise : « Chaque emploi à la SNCF coûte 40 000 euros par an à la collectivité. » Non ?!? Mais c’est énorme ! Il faut en supprimer.

Yves Calvi apaise les esprits : « Pourquoi le conflit est-il à ce point éruptif entre les syndicats maximalistes et Emmanuel Macron ?… » Sans doute parce que les syndicats sont maximalistes. « … Entre la CGT, et Sud-Rail qui n’est jamais loin, et le président de la République ? » Qui est tout près. Elie Cohen me donne des raisons d’espérer : « Je ne vois pas la CFDT et l’Unsa coller à la CGT et à Sud pendant les trois mois qui viennent. » Et prendre la responsabilité de tous les décès causés par la grève.

Nicolas Beytout rassure les défenseurs du service public, la SNCF ne sera jamais privatisée puisque la réforme ne prévoit qu’une transformation en société anonyme détenue à 100 % par l’État : il faudrait voter une nouvelle loi pour en rendre les parts cessibles au privé. Sur quoi, l’éditorialiste vante « le système France Télécom, non pas dans la privatisation, mais dans l’évolution des statuts ». Rien à voir avec une quelconque privatisation, il s’agit seulement de bien-être au travail : « Chez France Télécom, il fut un temps où tout le monde avait un statut de fonctionnaire et puis on a fait rentrer des gens de droit privé et progressivement la boîte a changé. » Pour le plus grand épanouissement des salariés suicidés.

Sur BFMTV, Nathalie Levy aussi fait les comptes : « Ça va faire mal, 4 millions de personnes vont être pénalisées, les congés, le mois de mai, le baccalauréat, etc. Ça va nous coûter très cher. » Les cheminots vont ruiner le pays. « La concertation, elle est en cours, assure la présentatrice. Elisabeth Borne a reculé, elle a annoncé des garanties sociales… » J’admire sa bonne volonté. « Pourquoi un tel bras de fer, une telle tension alors que les discussions sont à peine dans l’introduction ? » Moi, je sais : à cause des syndicats maximalistes uniquement préoccupés par les élections professionnelles.
Lorsque la propagande d’Etat use de l’hystérie comme arme de manipulation massive

« Galère pour les usagers aujourd’hui, galère également demain », annonce Jean-Baptiste Boursier à 22 heures. « C’est vraiment la galère », dit une voyageuse dans le reportage qui suit. « Ras-le-bol, ras-le-bol ! On travaille, nous ! », rappelle un travailleur aux grévistes oisifs. Une flèche rouge désigne incontestablement « une passagère poussée sur les voies », le présentateur interpelle un représentant de l’Unsa : « Vous avez vu les scènes qu’on a montré dans ce reportage, elles existent, de pagaille, aujourd’hui dans les gares où les gens veulent prendre le bus [sic]. Ça pourra pas durer trois mois comme ça, Roger Dillenseger ! » Il va y avoir des morts, tout le monde est d’accord.

Le syndicaliste dit son attachement à préserver l’outil de travail, Jean-Baptiste Boursier le reprend : « Mais au-delà de ça, quand on voit des gens qui tombent sur les rails ! » Ces milliers de vies menacées par la grève… « Grève et santé, le lien ? », interroge justement CNews le lendemain matin. Il est très simple : les grèves provoquent des chutes potentiellement mortelles sur les voies où les voyageurs subissent des supplices chinois.

Mais… horreur ! La Dr Brigitte Milhaud m’apprend que les voyageurs qui ne tombent sur les rails sont tout autant menacés. En effet, la grève engendre « un stress négatif à tous points de vue, mêlé à la peur de rater son train, la peur d’arriver en retard, la peur de se faire engueuler par son patron ». Sur ce dernier point, je doute : France 2 a montré la bienveillance des patrons qui faisaient leur maximum pour s’adapter aux difficultés de leurs salariés.

« Il y a ce sentiment d’impuissance, ajoute la doctoresse, le fait de subir cette grève, et ça c’est très mauvais pour la santé. Ça va avoir des répercussions sur le sommeil, ça va entraîner une baisse de l’immunité, des troubles de l’humeur, jusqu’à des dépressions. » Et il n’y aura même plus de trains pour se jeter dessous…

Si au moins il existait un vaccin contre cette épidémie de gréviculture… En zappant sur BFMTV, je découvre que Christophe Barbier en a peut-être trouvé un. « Le président de la République n’a toujours pas parlé depuis le début de ce conflit, note le présentateur. Ce silence, c’est une force ou c’est une faiblesse ? » « C’est une force, il ne se défausse pas, certifie l’éditorialiste. Tel Napoléon, il se garde en réserve comme la cavalerie de Murat pour déferler sur le champ de bataille le jour où ça sera nécessaire. » Hourra ! Enfin un président qui va faire donner la troupe contre les grévistes. Ça va être le Waterloo des cheminots.

« Emmanuel Macron garde pour lui la possibilité d’une prise de parole positive, estime Christophe Barbier. Parce qu’il faudra faire briller les aspects positifs de cette réforme. Une réforme bonne pour l’entreprise qui va devenir compétitive, bonne pour les usagers qui auront de meilleurs trains, bonne pour les salariés qui pourront faire de plus belles carrières. » Bref, une merveilleuse réforme. « Ça, c’est une prise de parole qu’on n’a pas entendue. » Ah non, jamais. Surtout pas à la télé.