Monsieur Darmanin, se demandait où les opposants à la loi voyaient la limitation de la liberté d’expression : Ici M. Le Ministre, dans le retour d’une censure indigne d’une démocratie.

dimanche 29 novembre 2020
par  SUD Éduc

Tribune « En exigeant une validation de nos reportages, les pouvoirs publics veulent s’octroyer un droit à la censure »

Plusieurs directeurs et directrices de l’information, rédacteurs et rédactrices en chefs, présentateurs et présentatrices des magazines d’information télévisés français, dont ceux de franceinfo, demandent aux institutions de renoncer à des conventions qui portent atteinte au droit de la presse.
Article rédigé par
franceinfo
France Télévisions
Publié le 28/11/2020 14:49 Mis à jour le 28/11/2020 15:24

Les journalistes de l’audiovisuel, réalisateurs de documentaires, rédacteurs en chef, directeurs de l’information, producteurs de magazines d’actualité tiennent par ce texte commun à dénoncer de nouvelles entraves à la liberté d’informer. Les tentatives de contrôle de nos tournages par les pouvoirs publics (police, justice, administration pénitentiaire, gendarmerie notamment) n’ont jamais été aussi pressantes.

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Un exemple illustre cette dérive : avant d’autoriser à filmer des policiers dans l’exercice de leur fonction, le service de communication de la police nationale exige désormais un droit de validation du reportage avant diffusion.

Il demande aux sociétés productrices de reportages la signature d’une convention stipulant qu’il « visionnera l’émission dans sa version définitive avant première diffusion dans un délai permettant une éventuelle modification (...) sera le seul habilité à valider définitivement le contenu produit sur les plans juridiques, éthiques et déontologiques en accord avec la société (...) Les enregistrements ne doivent pas porter atteinte à l’image de marque de la police nationale, ni comporter de scènes pouvant être considérées comme ’choquantes’ (...) Aucun extrait ne pourra être diffusé sans l’accord express du représentant de la police nationale. »

Un exemple de moins en moins isolé, toutes institutions confondues. Les conventions de tournage, établies à l’origine pour protéger la sécurité de personnes ou d’institutions dans des cas très spécifiques sont détournées de leur esprit initial.

De nouveaux alinéas fleurissent sous des formes diverses qui deviennent une claire entrave à nos prérogatives éditoriales et au droit du public à l’information. La presse est déjà soumise au contrôle du législateur. La loi de 1881 sur la liberté de la presse, qui détaille le délit de diffamation et le droit à l’image sont nos garde-fous. S’y ajoutent nos chartes déontologiques sans cesse améliorées depuis le texte initial de 1918.

Les directions de l’information et des magazines, les rédacteurs en chef et leurs équipes ont la responsabilité de veiller au respect de ces obligations légales et éthiques. Tout reportage est soumis à l’examen de nos propres services juridiques avant diffusion. Le traitement d’affaires particulièrement sensibles, ayant trait notamment au terrorisme ou à la sécurité nationale, nécessite des précautions particulières et nous en tenons compte en responsabilité.

Mais en exigeant une validation de nos reportages et documentaires, les pouvoirs publics veulent s’octroyer un droit à la censure. Aucun journaliste ayant pour vocation d’informer librement le public ne peut l’accepter. Il est impensable que la cohérence globale d’un reportage sur le plan juridique, éthique et déontologique soit supervisée par des ministères.

Ces demandes de conventions arrivent par ailleurs dans un contexte où l’article 24 de la loi sur la sécurité globale inquiète de très nombreuses rédactions et agences de presse. Nous demandons donc aux institutions concernées de renoncer à ces conventions qui portent atteinte au droit de la presse. Pas plus que nous, le public ne saurait comprendre la persistance de cette obstruction à la liberté d’informer.