« Never Give Up » : la lutte noire pour l’abolition aux Etats Unis
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Dans ce texte, la réalistrice Noémie Serfaty raconte son engagement dans la lutte contre la brutalité policière à San Francisco et Oakland et retrace l’histoire d’une revendication simple : l’abolition de la police et de la prison.
Après 6 ans passés à Oakland en Californie, où je suis engagée dans le mouvement de lutte contre les violences policières, je ne compte plus les portraits de martyrs noirs qui apparaissent régulièrement sur mon feed Instagram, accolés d’un “Rest In Peace” expéditif. Ce sont des hommes, mais aussi des femmes, des adolescents, des personnes transgenres. Souvent, la police a été appelée par une personne blanche qui se sentait menacée par une conduite “suspecte”. Souvent, le.la dit.e suspect.e est simplement une personne à la santé mentale fragile, en crise, dans une société où aucune forme de soin n’est mise en place pour les plus démunis. Parfois, c’est une dispute qu’il faudrait savoir calmer, chose dont la police est structurellement incapable. Et de fait, c’est tout le contraire qui arrive. Escalade de la violence. Le scénario funeste semble se répéter à l’infini. Les lynchages de personnes noires aux Etats Unis n’ont rien de nouveau, ni d’exceptionnel. Ils arrivent toutes les 28 h, selon le rapport du Malcom X Grassroot Comittee. Pour ceux qui militent, le meurtre de George Floyd n’a rien d’une anomalie. Ce qui a pris le mouvement par surprise, c’est l’ampleur historique de la mobilisation. Alors qu’une manifestation contre les violences policières parvient habituellement à mobiliser entre 20 et 1000 personnes, nous découvrons cette semaine, éberlué.e.s, des dizaines de milliers de personnes rassemblées dans les rues d’Oakland et San Francisco. Sur les médias sociaux, nous découvrons que le soulèvement est global. Bouleversé.e.s, nous revenons sur les dernières décennies et nous nous posons la question : que s’est-il passé ? Comment sommes-nous arrivé.e.s à cette mobilisation historique ? Est-elle réellement porteuse d’espoir ou une énième réaction vouée à retomber comme un soufflé ? Qu’y a-t-il à apprendre de ce moment et comment le comprendre ? Je me remémore l’histoire récente de ce mouvement à Oakland et San Francisco.