Qui sont les véritables agresseurs de notre hôpital public ?

samedi 4 mai 2019
par  SUD Éduc

Le blog de LAURENT THINES

Nous médecins, soignants demandons l’arrêt de notre instrumentalisation lors des conflits sociaux en cours dans notre pays alors même que les conditions d’exercice de nos métiers se dégradent à vitesse grand V.

Comme beaucoup de soignants que j’ai rencontrés lors de la manifestation du 1er mai à Paris, nous étions venus pour défendre les conditions de travail dans les hôpitaux de France qui sont sévèrement attaquées depuis deux décennies par les suppressions de personnels, de lits, de services ou même d’hôpitaux, sous prétexte de ne plus avoir les moyens de financer la Santé, un de nos biens les plus précieux.

Pour ma part, j’étais aussi venu pour poursuivre le combat contre les armes sub-létales # pétition anti-LBD GLIF4 (LBD40, grenades de désencerclement et grenades GLIF4) muni de ma seule "arme par destination" : ma banderole (photo). En effet, en tant que soignant, il m’est impossible de vivre sereinement dans un pays où l’on compte maintenant plus de 270 blessés graves victimes de l’usage de ces armes de guerre, classifiées comme telles #LBD armes de guerre et utilisées comme telles #LBD & armée de terre. Le #bilan armes sublétales 1999-2019 est accablant : 279 blessés graves dont 67% par tir de LBD, 4 morts, 56 éborgnés, 15 traumatismes crâniens graves, 11 amputations…et la liste s’allonge chaque week-end…Qu’a-t-on reçu comme réponse que le mépris ?

#STOP_LBD_GLIF4_MUTILATIONS #STOP_LBD_GLIF4_MUTILATIONS

Alors que nous étions arrivés avec beaucoup de bonne humeur, la tension induite par la présence des cordons de CRS postés de part et d’autre de la foule est rapidement devenue palpable. Tout le monde se demandait quelle était alors la volonté d’un tel déploiement à cet endroit précis de la manifestation. L’angoisse commençait lentement à s’installer dans une foule rendue extrêmement compacte et irrespirable par le nombre impressionnant de participants. Puis, dans la chaleur et le stress d’une attente des plus interminables, quelques tensions et échauffourées sont survenues en tête de cortège, où les forces de l’ordre retardaient de façon incompréhensible le démarrage de la marche…C’est à ce moment là que j’ai vu, horrifié, voler puis exploser juste au dessus des têtes plusieurs grenades jetées à l’aveugle, puis des charges indistinctes ont été lancées … il y a d’ailleurs eu ce jour là plusieurs blessés graves #blessé grenade tête et nous étions tous sidérés à l’idée de penser que cela aura pu être nous…Ces grenades explosives sont potentiellement mortelles puisqu’elles contiennent 25g de Tolite, un explosif très puissant.

Ainsi, comme chaque samedi, la surdité de ce gouvernement à des revendications légitimes, a exposé manifestants et forces de l’ordre aux blessures. Ce sont encore les soignants, les street-médics, les pompiers qui ont dû oeuvrer avec bravoure et assumer la surcharge de travail occasionnée par l’afflux massif de victimes dans les services d’urgences parisiens, mais aussi dans ceux de province. Ces mêmes services qui sont en grève reconductible pour réclamer plus de personnel, plus de moyens afin de pouvoir exercer leur métier dignement et de prodiguer des soins de qualité dans les meilleures conditions de sécurité pour les patients. Qu’ont-ils obtenu à ce jour d’autre que le mépris ?

Ce sont ces mêmes soignants à qui l’on a donné, depuis plusieurs mois et en toute illégalité, l’ordre administratif (ARS, Directions hospitalières) de ficher les manifestants blessés dans le registre SI-VIC. Car contrairement à ce que dit l’APHP, le fichier SI-VIC (Système d’Information sur les Victimes « d’attentats ») n’a reçu d’autorisation que dans la « finalité d’établir une liste unique des victimes d’attentats afin d’informer rapidement leurs proches sur leur situation. » #SI-VIC En aucun cas, ce système ne doit être utilisé pour lister et, in fine, faire de la délation sur les malades. Cette rupture du secret médical est contraire à notre déontologie et expose les soignants, comme on le fait chaque samedi avec les policiers, à des conflits avec la population, des poursuites au niveau de l’Ordre ou des plaintes judiciaires… Plusieurs médecins ont déjà dénoncé ces pratiques à Paris @gkierzek et à Toulouse @Drmartyufml.

Enfin, clou du spectacle de ce triste 1er mai : « l’affaire » de l’intrusion de manifestants dans l’enceinte de la Pitié-Salpétrière. Ce sont encore des soignants que l’on va instrumentaliser à l’envi dans les discours des ministres et dans les médias télévisés en accumulant les #FakeNews pour faire croire à une « attaque » violente du « sanctuaire » qu’est l’hôpital. L’analyse de nombreuses vidéos et témoignages #@davduf semble confirmer l’hypothèse que les manifestants, bloqués sur le Boulevard de l’Hôpital #témoignage journaliste #témoignage manifestant , repoussés par des tirs intenses de lacrymogène et terrorisés, ont cru bon de se réfugier dans l’enceinte de l’hôpital, qu’ils pensaient, à tord, être un havre de paix, une sorte de « sanctuaire ». Cette nasse se refermera sur eux comme un piège fatal... #vidéo. Certains, apeurés par les poursuites des brigades d’intervention motorisée, frappant gratuitement tous ceux qui bougeaient, ont essayé, sans succès, de trouver une issue au cauchemar à la porte d’un service de réanimation. Là, les témoignages des personnels présents dans le service sont unanimes : pas de violence, pas de haine, pas de casse, pas de traumatisme psychique d’une scène qui n’aura duré en tout que quelques minutes… # interne BFMTV #aide soignante BFMTV On verra même des manifestants repousser des casseurs s’en prenant à la faculté de médecine de la Salpétrière (photo).

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A l’image des forces de l’ordre, fonctionnaires également, les soignants se retrouvent encore une fois pris entre le marteau (surcharge de travail, stress, population) et l’enclume (conditions d’exercice dégradées, manque de personnel, heures supplémentaires impayées). Par la suite, on entendra monsieur @CCastaner et notre ministre de tutelle, @AgnesBuzin, pousser des cris d’orfraie sur une supposée « attaque » de l’hôpital public à l’occasion de la manifestation du 1er mai… personne n’est dupe, l’objectif est très clair : désolidariser l’opinion publique de ce mouvement social inédit et gênant. Les personnels des urgences parisiennes n’ont d’ailleurs pas tardé à s’indigner face à cette récupération politicienne alors même que leur ministre n’a pas encore daigné venir sur le terrain entendre leurs revendications, ou que, comme à Lille, elle ne leur a opposé uniquement que déni, menaces ou répression #Inter Urgences Paris.

En tant que soignant, et en parodiant le message de notre ministre, voilà ce que nous aurions pu tous lui répondre ainsi qu’à Mr Hirsch à la fin de cette triste journée :

"On voudrait ne pas y croire. On voudrait se dire que la violence ne peut pas tout prendre pour cible.

S’en prendre au sanctuaire de l’hôpital est inqualifiable :

- suppressions de postes
- suppressions de lits
- fermeture d’hôpitaux
- fermeture de services
- précarisation des soignants
- perte de sens
- fichage illégal des blessés."

Et tous en coeur de se demander qui sont les véritables agresseurs de notre hôpital public...