Russie : Répression massive de l’opposition
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Samedi, plus de 1300 personnes ont été interpellées lors d’une manifestation. C’est le nombre d’arrestations le plus élevé depuis 2012. (Sources : Le Parisien)
Plus de 1300 personnes arrêtées et un opposant emprisonné, puis soupçonné d’avoir été empoisonné. C’est le bilan de la protestation contre le pouvoir de Vladimir Poutine qui a gagné en ampleur samedi à Moscou.
Depuis le début du mois, des manifestations non-autorisées sont organisées régulièrement dans la capitale russe. Cette fois-ci, la répression a été plus impressionnante que d’habitude.
Pourquoi les Moscovites manifestent-ils ?
En ligne de mire des manifestants : les élections municipales du 8 septembre prochain. La loi électorale prévoit que les candidats indépendants peuvent se présenter s’ils recueillent les signatures de 3 % des membres du corps électoral de leur circonscription.
Problème : des candidats ayant recueilli un nombre suffisant de signatures ont vu certaines d’entre elles invalidées. Un « déclencheur » selon Anne Colin Lebedev, chercheuse en science politique, spécialiste des sociétés post-soviétiques. « Un certain nombre de personnes ayant signé ont constaté que leur signature a été prise pour fausse », explique-t-elle au Parisien.
Dès lors, les manifestants se sont organisés pour réclamer le respect de leurs droits électoraux. « Il ne s’agit pas de vouloir renverser le pouvoir, mais de dire Laissez-nous voter pour le candidat que nous voulons et peut-être que l’on n’élira pas forcément des opposants », explique Anne Colin Lebedev.
Pourquoi ces protestations prennent-elles une telle ampleur ?
Ces manifestations sont similaires à celles qu’a connues le pays en 2011-2012, pendant les élections au Parlement national. Après des vidéos montrant le trucage du scrutin, et notamment des bourrages d’urnes, les Moscovites avaient aussi battu le pavé.
Depuis 2012, le temps a passé. D’une part, la Crimée a été annexée. Cet événement a profondément divisé le pays, et le camp de l’opposition à Vladimir Poutine. Pendant cette période, « certains opposants se sont même ralliés au pouvoir », précise Anne Colin Lebedev.
Aujourd’hui, l’opposition a regagné en force et changé de stratégie. « Les membres de l’opposition choisissent aujourd’hui de se concentrer sur les élections locales, car ils ont compris que le niveau national est complètement verrouillé », explique-t-elle.
« Nous sommes déconcertés par les peines prononcées par le tribunal [de Moscou] par rapport à d’autres peines beaucoup plus clémentes prononcées par les tribunaux russes à l’encontre des personnes accusées de crimes plus graves. Nous pensons que la sanction doit être proportionnelle à la violation de la loi. Sinon, la justice elle-même devient une moquerie et un “désordre de masse” », écrivent-ils. « Nous sommes préoccupés par le fait que les peines infligées ressemblent davantage à de l’intimidation de citoyens russes qu’à un procès équitable des accusés. L’apôtre Paul attribue la peur à l’état d’esclave de l’homme : “Vous n’avez pas accepté l’esprit de l’esclavage pour vivre à nouveau dans la peur” (Rm 8, 15). »
Inédite cette mobilisation des milieux culturels, en particulier du cinéma, après la condamnation à 3 ans et demi de prison, lundi 16 septembre, de l’acteur Pavel Oustinov, interpellé le 3 août en marge d’une manifestation place Pouchkine à Moscou et condamné pour avoir agressé et démis l’épaule d’un policier. Une vidéo vue par des centaines de milliers de personnes montre tout le contraire : des policiers se précipitent sur l’homme qui fait tranquillement les cent pas devant l’immeuble des Izvestias et le tabassent violemment à terre. Pavel Oustinov a expliqué par la suite qu’il ne manifestait pas mais attendait un ami, la place Pouchkine étant un lieu de rendez-vous classique à Moscou. Voir la vidéo ci-dessous :