Russie : Répression massive de l’opposition

jeudi 19 septembre 2019
par  SUD Éduc

Samedi, plus de 1300 personnes ont été interpellées lors d’une manifestation. C’est le nombre d’arrestations le plus élevé depuis 2012. (Sources : Le Parisien)

Plus de 1300 personnes arrêtées et un opposant emprisonné, puis soupçonné d’avoir été empoisonné. C’est le bilan de la protestation contre le pouvoir de Vladimir Poutine qui a gagné en ampleur samedi à Moscou.

Depuis le début du mois, des manifestations non-autorisées sont organisées régulièrement dans la capitale russe. Cette fois-ci, la répression a été plus impressionnante que d’habitude.
Pourquoi les Moscovites manifestent-ils ?

En ligne de mire des manifestants : les élections municipales du 8 septembre prochain. La loi électorale prévoit que les candidats indépendants peuvent se présenter s’ils recueillent les signatures de 3 % des membres du corps électoral de leur circonscription.

Problème : des candidats ayant recueilli un nombre suffisant de signatures ont vu certaines d’entre elles invalidées. Un « déclencheur » selon Anne Colin Lebedev, chercheuse en science politique, spécialiste des sociétés post-soviétiques. « Un certain nombre de personnes ayant signé ont constaté que leur signature a été prise pour fausse », explique-t-elle au Parisien.

Dès lors, les manifestants se sont organisés pour réclamer le respect de leurs droits électoraux. « Il ne s’agit pas de vouloir renverser le pouvoir, mais de dire Laissez-nous voter pour le candidat que nous voulons et peut-être que l’on n’élira pas forcément des opposants », explique Anne Colin Lebedev.
Pourquoi ces protestations prennent-elles une telle ampleur ?

Ces manifestations sont similaires à celles qu’a connues le pays en 2011-2012, pendant les élections au Parlement national. Après des vidéos montrant le trucage du scrutin, et notamment des bourrages d’urnes, les Moscovites avaient aussi battu le pavé.

Depuis 2012, le temps a passé. D’une part, la Crimée a été annexée. Cet événement a profondément divisé le pays, et le camp de l’opposition à Vladimir Poutine. Pendant cette période, « certains opposants se sont même ralliés au pouvoir », précise Anne Colin Lebedev.

Aujourd’hui, l’opposition a regagné en force et changé de stratégie. « Les membres de l’opposition choisissent aujourd’hui de se concentrer sur les élections locales, car ils ont compris que le niveau national est complètement verrouillé », explique-t-elle.

« Nous sommes déconcertés par les peines prononcées par le tribunal [de Moscou] par rapport à d’autres peines beaucoup plus clémentes prononcées par les tribunaux russes à l’encontre des personnes accusées de crimes plus graves. Nous pensons que la sanction doit être proportionnelle à la violation de la loi. Sinon, la justice elle-même devient une moquerie et un “désordre de masse” », écrivent-ils. « Nous sommes préoccupés par le fait que les peines infligées ressemblent davantage à de l’intimidation de citoyens russes qu’à un procès équitable des accusés. L’apôtre Paul attribue la peur à l’état d’esclave de l’homme : “Vous n’avez pas accepté l’esprit de l’esclavage pour vivre à nouveau dans la peur” (Rm 8, 15). »

Inédite cette mobilisation des milieux culturels, en particulier du cinéma, après la condamnation à 3 ans et demi de prison, lundi 16 septembre, de l’acteur Pavel Oustinov, interpellé le 3 août en marge d’une manifestation place Pouchkine à Moscou et condamné pour avoir agressé et démis l’épaule d’un policier. Une vidéo vue par des centaines de milliers de personnes montre tout le contraire : des policiers se précipitent sur l’homme qui fait tranquillement les cent pas devant l’immeuble des Izvestias et le tabassent violemment à terre. Pavel Oustinov a expliqué par la suite qu’il ne manifestait pas mais attendait un ami, la place Pouchkine étant un lieu de rendez-vous classique à Moscou. Voir la vidéo ci-dessous :