Télétravail : une bonne affaire (surtout) pour le patronat !

dimanche 14 juin 2020
par  SUD Éduc

Depuis le 5 juin, des discussions sont engagées entre patronat et syndicats (hors Solidaires) sur le télétravail, l’idée étant de déboucher sur un accord à l’automne, tout en sachant que le patronat est opposé à revoir pour l’instant l’accord national interprofessionnel de 2015 sur le sujet.

Présenté comme le moyen de continuer son activité professionnelle sans risquer la contamination au virus, le télétravail a connu un essor sans précédent. Pour les salarié-es pour qui cette solution est praticable -ceux et celles dont l’activité a une forte proportion immatérielle-, le télétravail présente il est vrai quelques avantages pour qui réside notamment dans une agglomération surpeuplée et/ou est éloigné de son lieu de travail : une absence de temps de transport allié à une relative autonomie. Pour nombre de salarié-es le télétravail est un moyen aussi de s’échapper et de soustraire au management pathogène et à ce qu’on appelle la souffrance au travail.

Pour autant, le télétravail comporte aussi des travers importants, du moins pour les salarié-es : en les isolant, il casse les collectifs de travail et empêche d’y recourir en cas de difficultés, sachant que les rapports avec la hiérarchie peuvent s’avérer pour beaucoup difficiles à supporter. Surtout la frontière entre espace personnel et professionnel s’efface (quel droit à la déconnexion ?1), la question du temps de travail est souvent malmenée avec du travail le soir, le week-end, les limites de durée ne sont plus respectées. D’autant plus si ce temps est conjugué à celui de la garde d’enfants, ce qui n’est tout simplement pas compatible ! Les inégalités de genre sont bien souvent renforcées. Les espaces de travail sont aussi souvent difficiles à définir et sont la plupart du temps inadaptés, voire incompatibles. Les questions de confidentialité des données personnelles du salarié-e se posent également. Enfin si l’employeur est tenu de fournir le matériel informatique, les autres coûts sont eux à la charge du/de la salarié-e. Au final pour l’employeur, il peut constituer une aubaine et un gain financier non négligeable. Pour le salarié-e en revanche le travail à distance a tout lieu d’être vite une nouvelle régression à combattre.

Encadrer strictement cette nouvelle organisation du travail est donc indispensable. D’autant que la Direction Générale du Travail prône une vision rigoriste en faisant supporter les coûts du télétravail par le/la salarié-e : ce qui constitue objectivement une aberration (hélas permise par les ordonnances de l’automne 2017), et qui va à l’encontre d’autres prises de position ... de la même DGT ! A une question qui lui a été posée par le Conseil Supérieur de l’ordre des experts-comptables, voici sa réponse en date du 15 avril dernier :

« Dans le contexte de crise sanitaire actuel […] il y a lieu de considérer que l’employeur est tenu de verser à son salarié une indemnité de télétravail, destinée à rembourser au salarié les frais découlant du télétravail. En effet, l’employeur a une obligation de prise en charge des frais professionnels. Cette obligation est prévue sans restriction par la jurisprudence et celle-ci, de portée générale, doit couvrir les télétravailleurs. »

Cela se passe donc de commentaire. De son côté l’URSSAF est d’avis qu’un employeur verse à son/sa salarié-e une indemnité pour le/la dédommager des frais engagés par elle/lui au titre du télétravail. L’organisme public précise même qu’au-delà de 10 euros par jour, l’exonération de cotisations sociales ne pourra être admise qu’à condition de justifier de la réalité des dépenses professionnelles supportées par le/la salarié-e.

Aussi, pour l’Union syndicale Solidaires, l’ensemble des salarié-es en situation de télétravail et leurs représentant-es sont légitimes à engager les discussions et le rapport de force nécessaire avec leurs employeurs pour un recours raisonnable au télétravail et son encadrement strict pour le respect des droits des salarié-es. Des outils existent et doivent être mobilisés via les instances de représentation (CSE, CHSCT). Ces négociations peuvent aussi s’appuyer en saisissant la justice d’autant que comme l’affirme la DGT elle même (qui n’est guère embarrassée par la contradiction) la jurisprudence est de portée générale sur le sujet (sic). Il faut obliger le patronat (et le gouvernement) à revoir une copie pour le moins inadmissible pour les droits des salarié-es.

Solidaires se tient à la disposition des salarié-es pour faire respecter les droits, en gagner d’autres et déjouer un patronat obsédé par la réduction de ses coûts au détriment des conditions de travail et de vie de ses salarié-es.

Comme notre santé, nos conditions de vie ne sont pas négociables.

Paris, le 11 juin 2020