Violences. à Toulouse, des policiers comme des « chiens fous » 

jeudi 18 avril 2019
par  SUD Éduc

(Source l’Humanité)

L’Observatoire des pratiques policières publie un rapport qui juge « démesuré » le dispositif sécuritaire dans la ville rose. Les policiers de la BAC ont provoqué une escalade de violence.

Toulouse, correspondance.

Grenades lacrymogènes utilisées sans modération et sans sommation, LBD, canons à eau, hélicoptère, blindés de la gendarmerie… À Toulouse, le mouvement des gilets jaunes a atteint un très haut niveau ; sa répression aussi. Un rapport de l’Observatoire des pratiques policières (OPP) (1) décrit avec minutie ce déploiement des forces de police et de gendarmerie et leur déchaînement. Photos à l’appui. Ce travail à visée scientifique, établi par 24 observateurs présents dans les manifestations, a été coordonné par le sociologue Daniel Welzer-Lang. En réalité ce rapport de 138 pages débute bien avant le mouvement des gilets jaunes et étudie 50 manifestations, du 1er mai 2017 au 30 mars 2019 (2).

L’OPP analyse les schémas appliqués sur le terrain par les forces de l’ordre mobilisées : un dispositif fixe (CRS, gendarmes mobiles) pour bloquer les principaux accès à l’hypercentre et à la place du Capitole ; un dispositif glissant (policiers de la BAC) pour bloquer les nombreuses ruelles toulousaines. Le rapport détaille la panoplie à la disposition de chaque unité de police ou de gendarmerie. Un point commun : ils sont tous armés jusqu’aux dents ! Et les manifestants ou parfois de simples passants ont goûté de près cet attirail.
60 manifestants blessés

« Un dispositif démesuré », juge le rapport qui pointe aussi « une totale asymétrie entre les moyens utilisés par les forces de l’ordre et ceux de certains manifestants ». Cerise sur le gâteau, la police municipale, qui n’est pas censée assurer le maintien de l’ordre, est venue prêter main-forte à la police nationale : le 8 décembre dernier, l’OPP l’a vue, suréquipée, aux abords de la place du Capitole.

« De mémoire de Toulousain, jamais autant de gaz lacrymogènes n’avaient été utilisés », écrit le rapport. De même, les balles de défense, les matraques télescopiques n’ont pas été apportées pour rien. La préfecture compte 60 manifestants blessés depuis le début du mouvement des gilets jaunes, alors que l’OPP en dénombre 151 en à peine cinq samedis de mobilisation (actes XII à XVI). Le grand écart…
Six grenades en quatre secondes

Beaucoup de manifestants ont aussi été incommodés par les grenades lacrymogènes CM3, à très forte intensité en gaz, qui brûlent les poumons. De plus, ces grenades sont propulsées par des LBD multicoups, au rythme de six grenades en quatre secondes. Très vite, l’air devient irrespirable.

Le rapport est surtout accablant pour les policiers de la brigade anticriminalité (BAC), pas formés aux missions de gestion des foules : leur manque de maîtrise – le jet d’un lacrymo alors que la situation est calme – a déclenché de nombreuses violences. Daniel Welzer-Lang établit ce constat : « La BAC est un segment de l’appareil d’État qui s’autonomise. » Dit autrement par un observateur des violences policières, « ils se comportent comme des chiens fous ». Une vidéo tournée le 30 mars place Arnaud-Bernard montre un policier lançant une grenade de désencerclement… alors qu’il n’est pas encerclé. Et le membre de l’OPP qui a filmé la scène est visé par des lacrymos.

Derrière ces pratiques désordonnées l’OPP voit poindre une attitude beaucoup plus réfléchie des pouvoirs publics : « Cette stratégie de la peur dissuade les citoyens de manifester. » Une stratégie qui va même au-delà : « Les pouvoirs publics cherchent le chaos pour créer les conditions des interpellations et, ensuite, l’édiction d’une loi anticasseurs. »

L’Observatoire des pratiques policières en appelle aujourd’hui à « la désescalade » et à l’interdiction des grenades lacrymogènes explosives et des grenades de désencerclement. Il demande aussi le retrait de la BAC. La stratégie de la peur, se demande l’OPP, est-elle devenue la doctrine officielle du maintien de l’ordre ?
Bruno Vincens