AEFE : Une future privatisation de l’éducation à la Française ?

mercredi 5 juin 2019
par  SUD Éduc

Ce Lycée servira, à n’en point douter, de modèle à la réforme envisagée par l’AEFE qui va conduire à une privatisation du réseau. Il est prévu une création d’un statut particulier, d’enseignants de l’Etranger recrutés sur profil, avec des ordres de mission hors enseignement et une durée de contrat limitée.
L’AEFE, créée sous Mitterand, se voulait une structure éducative internationale, indépendante du Ministère de la Coopération noyauté par la droite.
Porteuse des valeurs humanistes d’un socialisme, enfin installé politiquement après des décennies de luttes, elle sera récupérée par la droite revenue aux affaires. Opacité des recrutements, filières officieuses, une des questions les plus courantes entre expatrié-e-s est « Ah, tu connais ? ». Dès que possible, la Droite y plaça ses propres pions et rattacha à nouveau l’AEFE au Ministère de la Coopération.
Depuis de l’eau a coulé sous les ponts. Etranglée financièrement par les coupes budgétaires et les exigences de Bercy, victime d’une expansión plus en accord avec les choix politiques des gouvernements successifs qu’avec ses fonctions et ses responsabilités historiques envers « Les Pays du Champ », depuis une dizaine d’années, l’AEFE ne parvient plus à équilibrer ses budgets malgré des effectifs scolarisés en croissance continue.
C’est que, les investisseur privés, les entreprises ou les gouvernements, ont flairé la bonne affaire : former les futurs oligarques des pays d’implantation, avec un formatage à la Française, censé favoriser les échanges commerciaux et assurer le recrutement de cadres francophones locaux bien moins coûteux que ceux envoyés depuis l’hexagone aux quatre coins du monde par nos multinationales.
Depuis sa création, aucune étude n’a été ordonnée afin d’évaluer l’impact économique pour la France et les entreprises françaises implantées à l’étranger. Seuls les coûts sont mis en avant.
Un parc immobilier payé avec de l’argent Public, souvent implanté dans des lieux prestigieux hautement cotés, un personnel dévoué et hautement formé à la recherche pédagogique qui volontiers se centre sur sa mission éducative sans trop contester les heures supplémentaires et les indemnités ( de certains examens comme le CCF) non payées et faisant preuve d’ une flexibilité et polyvalence hors norme.
Contrainte à se défaire d’une partie du personnel, depuis 10 ans l’AEFE a mené une politique de recrutement des chefs d’établissement et des cadres pédagogiques conforme à la ligne la plus dure du secteur privé et qui n’est pas sans rappeler celle d’Orange.
Comme dans toute entreprise privée, seuls les coûts de production comptent. Discours décomplexés de chefs d’établissement qui du jour au lendemain dépossèdent les enseignants de leur rôle pédagogique ; pressions psychologiques orchestrées parfois avec la complicité de parents, les services gestionnaires, les conseillers pédagogiques, les postes diplomatiques ; refus d’organiser une médecine du travail globale, qui permette de répertorier non seulement les difficultés communes rencontrées par les salarié-e-s exerçant dans des conditions parfois extrêmes, de réduire les risque psycho sociaux et de limiter les abus d’une hiérarchie toute puissante… Certain-e-s responsables n’hésitent pas à employer tous les moyens pour décourager et/ou pousser au départ les membres du personnel : Objectifs irréalisables suivis d’accusations d’incompétence, mensonges, appréciations administratives qui mentionnent le caractère rebelle du/de la salarié-e, mise sous tutelle, mise à l’écart ; cela peut même aller jusqu’au blocage les courriers envoyés par voie hiérarchique aux services pédagogiques de l’AEFE, au refus ouvert de répondre aux questions posées à travers les registres ou à l’humiliation publique de salarié-s dont les demandes sont rejetées sous prétexte de troubles du comportement.
Ces dernières années, dans certaines matières fortement impactées par les réformes, les cas de burn-out se sont multipliés.
Il est important de garder en mémoire ces faits, que nous nous sommes efforcés de répertorier depuis plusieurs années, pour démontrer que derrière l’image idyllique du Lycée de New York, existe aussi une réalité beaucoup plus crue d’ employ-é-es exerçant dans de pays où l’insécurité est permanente, de personnels soumis à des conditions d’exercice et à des obligations professionnelles qui parfois ne respectent pas le cadre légal, de personnels précaires et de familles mixtes dont la présence à l’étranger est compromise par la réforme qui se profile et qui devront vraisemblablement remettre en cause tout un projet de vie.
En attendant de transformer nos établissements, dont la réputation et les locaux ont été bâtis avec des ressources humaines et financières publiques, Marine Le Pen ou Macron, requins nettoyeurs du système, ont déjà commencé à imaginer comment en faire profiter leurs amis. Brader un modèle éducatif, des années d’efforts et nos idéaux nationaux d’éducation, à des investisseurs privés, est une nouvelle occasion de contribuer à enrichir les plus fortunés tout en formant les élites.
Offrir une éducation sur mesure, avec une collectivisation des dépenses d’investissement mais la privatisation des bénéfices ; voilà un nouveau projet en marche dont on ne veut pas !