Totalitarisme sanitaire. COVID 19 le premier virus à intelligence sélective. Mener une vie sociale propage le virus, mais pas la concentration sans mesures efficaces dans les établissements scolaires.
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L’école en état d’urgence sanitaire : les symptômes de la rentrée
L’État d’urgence est un État d’exception. Constitutionnalisé, il opère à volonté un retour à ses fondements extra-légaux de telle sorte que l’exception devienne la norme. En cela, l’épidémie du COVID-19 apparaît comme l’ultime moment d’un même processus de lapidation de l’État de droit et de lamination des institutions publiques dont l’école ne fait malheureusement pas exception... Maladie politique, l’État d’urgence sanitaire ne cesse d’affaiblir un corps dont voici les symptômes que SUD éducation Limousin a pu identifier à l’occasion de cette rentrée 2020 sur la base des témoignages d’enseignant.es du département.
1- Une application incohérente du protocole sanitaire
Par-delà la grande diversité des modalités d’application du protocole sanitaire (relatives à chaque établissement scolaire) des défaillances quasi-systématiques d’organisation mettent en danger la santé de tous.tes et rendent dérisoire l’obligation du port du masque :
Un brassage continu des élèves démultipliant les occasions de contacts entre les heures de cours du fait de la suppression du groupe-classe en lycée.
Une hyper-concentration au sein des classes elles-mêmes et des différents lieux de vie de l’école (cours de récréation, cantine...) en raison de l’augmentation des effectifs par classe ou établissement et de la limitation toujours plus importante des moyens matériels à disposition.
Des plans de circulation souvent inapplicables du fait même du nombre d’élèves et des espaces réduits.
Le manque de gel hydro-alcoolique permettant à tous.tes d’appliquer adéquatement les gestes barrières ou, inversement, des contraintes drastiques liées au nettoyage du matériel qui rendent la tenue de certains enseignements quasi-impossible (personnel de laboratoire).
La non-gratuité du masque qui sous le régime de l’obligation creuse encore un peu plus les inégalités sociales entre les élèves et leur famille.
« Mon témoignage pour cette rentrée particulière : Il n’est pas possible en lycée d’appliquer des règles sanitaires qui se tiennent puisqu’il n’existe plus de groupe classe. Les élèves portent le masque, c’est la règle sanitaire. Les élèves se croisent et se recroisent dans les couloirs où il n’y a aucune règle de circulation, ils changent de classe très souvent puisque le groupe langue n’est pas celui de maths, etc. Une fiole de gel à chaque étage pour les élèves est la deuxième règle sanitaire. Pour les profs, point de gel en salle des profs, ni dans les étages, trois lavabos étaient hors d’usage pendant plus d’une semaine. Les enseignant.es utilisent les postes informatiques de la salle des profs sans qu’aucun gel ne soit à leur disposition pour désinfecter. Les salles sont désinfectées chaque demi-journée, c’ est la troisième règle sanitaire. Je ne sais pas comment est gérée la cantine mais la queue d’entrée dépasse largement dans la cour comme chaque année. Les emplois du temps sont encore un peu plus démolis par la réforme, commencer à 8 h pour finir à 18h avec plusieurs heures d’attente est monnaie courante maintenant pour les élèves comme pour les profs (rappelons que c’était impensable il y a quelques années). »
2 – Une continuité anti-pédagogique
L’expérience du confinement avait déjà plus que révélé les impasses pédagogiques de l’impératif de continuité. Par d’autres moyens, cette rentrée ne fait qu’en prolonger les effets. En particulier, le port du masque en cachant la moitié du visage des enseignant.es comme des élèves empêche la transmission des signes verbaux et non-verbaux au cœur de la relation pédagogique :
Il obstrue le partage des émotions si nécessaire aux échanges et à la compréhension mutuelle.
Il rend souvent inaudible le discours et nuit à son intelligibilité.
Il complique l’identification et la reconnaissance des élèves dans leur singularité ainsi que celle des collègues entre eux.
« Tout le monde s’accorde pour dire que dans la communication, l’interaction avec l’autre, il y a une part du non-verbal non négligeable. Imaginons donc des enseignant.es qui s’adressent à des élèves de 3 à 5 ans afin de continuer de construire leurs interactions, leur langage et l’expression des émotions, les accompagner dans le décodage des codes sociaux. Imaginons une lecture offerte ou une chanson avec un masque devant la bouche, imaginons un atelier de phonologie avec un masque qui rend la voix inaudible et l’articulation impossible. Et pour finir imaginons le masque de l’inclusion, celui qui empêche les élèves en situation de handicap de lire sur les lèvres, de percevoir l’ensemble du visage pour comprendre le sens premier de ce qui est dit ou l’émotion exprimée… »
Enfin, l’horizon d’un éventuel retour à l’enseignement en distanciel menace d’aggraver une situation déjà catastrophique :
Couplé à l’enseignement en présentiel, le distanciel annonce une surcharge de travail insupportable sur le plan aussi bien physique que psychique.
L’absence de dispositif technique élaboré de manière concertée entre les différents acteur.rices de l’école annonce l’imposition d’outils pédagogiques issus du domaine privé et soustrait à la délibération collective.
Les inégalités matérielles entre les élèves et leur famille (accès au matériel informatique ou au réseau) viendront intensifier les inégalités scolaires existantes.
« Et cerise sur le gâteau, à demi-mot se dessine une autre façon d’enseigner : à savoir en présentiel et en distanciel en même temps pour que les élèves absent.es ne perdent pas le fil... ».
3 – Les effets « secondaires » du protocole
Finalement ce n’est pas la moindre des contradictions que de constater que la politique sanitaire menée à l’école produit des effets secondaires dangereux pour la santé de tous.tes les usagers de l’Éducation Nationale :
Sensations d’étouffement.
Assèchement de la bouche.
Malaises.
Maux de têtes.
Allergies.
« Dégradation psychomotrice à long terme ou protection immédiate de la santé physique ? Il faut choisir, donc renoncer. »
Rappelons que ces incohérences sont d’autant plus insupportables que l’environnement scolaire se présente désormais comme la deuxième source la plus importante de clusters en France. Selon le dernier bulletin Santé publique France, 32% des clusters actuels sont situés dans des établissements d’enseignement primaire, secondaire ou supérieur !
Ce rapide diagnostic nous rappelle que c’est bien l’institution scolaire qui est malade : malade de sa soumission aux impératifs économiques du marché ; malade de son mépris pour les conditions de vie des travailleur.ses de l’éducation et de leur parole.
Contre la néo-libéralisation de l’école et sa dérive sanitaire, SUD éducation revendique :
Des créations de postes suffisantes pour que chaque circonscription et chaque établissement soit doté de postes de médecins et/ou d’infirmier-es à temps plein.
L’octroi d’un temps de réflexion et de concertation collectif pour l’aménagement de l’espace, l’allègement des programmes et la mise en place de mesures sanitaires réellement cohérentes avec les missions pédagogiques de l’école.
Une augmentation importante des salaires pour tous les personnels, y compris des personnels administratifs et médico-sociaux.
La gratuité des masques pour tous.tes.