Du déclencheur local à la révolte globale : la convergence des luttes dans le monde
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Dans une série d’articles, Le Monde revient et analyse la flambée de mouvements contestataires dans de nombreux pays.
Alger, Beyrouth, Bagdad, Hongkong, Khartoum, Santiago : une flambée de protestations embrase le monde depuis plusieurs mois. Au Chili, l’étincelle est venue de l’augmentation du prix du ticket de métro dans la capitale. Au Liban, c’est une taxe sur les appels WhatsApp qui a mis le feu aux poudres. Le Soudan, lui, a connu une mobilisation aussi spectaculaire qu’inédite à la suite de l’augmentation du prix du pain. En Equateur, à l’instar des « gilets jaunes » en France, c’était l’essence. Comme si la planète était soudainement en proie à des convulsions multiples, oscillant entre les mouvements de protestations collectives, l’intransigeance ou le sauve-qui-peut des dirigeants.
Récit : De Hongkong à Santiago, une contestation mondialisée
A première vue, la contagion d’une ville ou d’un pays à l’autre s’est effectuée en ordre de bataille aléatoire, sans logique apparente. Les contingences sont différentes, les contextes nationaux éminemment singuliers. En Algérie, les foules sont d’abord sorties dans les rues pour manifester contre l’annonce d’une nouvelle candidature du président Bouteflika. En Haïti, tout est parti d’une pénurie de carburant. A Barcelone, la colère populaire s’est propagée à l’annonce des peines de prison pour les indépendantistes catalans.
Il n’empêche. Les mouvements massifs de protestation qui émergent d’un continent à l’autre partagent bien plus que des slogans (« dégagez » ou « no futur ») et des techniques de manifs (occupation des places ou des aéroports). « Il y a toujours des facteurs locaux, dit Hardy Merriman, président du Centre international des conflits non violents (ICNC), sis à Washington. Mais un élément commun à ces mouvements est ce profond malaise vis-à-vis des autorités qui résulte parfois d’années de griefs accumulés. Les gens ont le sentiment que leur dignité est bafouée et se rendent compte que s’ils ne fixent pas de limites aux dirigeants les abus perdureront. »
Pour Maria Fantappie, analyste à l’International Crisis Group : « Il ne faut pas lire ces mouvements dans un contexte uniquement d’un pays spécifique. Il faut les comprendre comme une expression d’un état de désenchantement vis-à-vis de tout un système, d’une économie néolibérale, qui provoque des ravages surtout parmi les plus jeunes. Tout est lié. »