Michel Wieviorka, La Tentation antisémite : haine des juifs dans la France d’aujourd’hui
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Commençant par se demander sagement « De quoi parle-t-on ? », Michel Wieviorka consacre quelques pages au choix du terme le plus approprié pour qualifier la haine des juifs (pp. 94-99). Il renonce au mot d’« antijudaïsme », qui associe les juifs à une religion : car si le terme convient pour désigner, par exemple, la haine des juifs dans l’Espagne du xvie siècle, il l’est beaucoup moins aujourd’hui, à un moment où le racisme s’est déplacé du niveau biologique au niveau culturel, et où est désormais stigmatisée une « communauté ». Le terme de « judéophobie » est encore moins bien adapté, écrit Michel Wieviorka, car il « affadit » le phénomène en le « pathologisant », suggérant par là qu’expliquer le racisme par la folie revient à ne rien expliquer du tout. Semblant avoir hésité entre le terme de « racisme antijuif » et d’« antisémitisme », il choisit finalement ce dernier. Seul le mot « antisémitisme », popularisé en 1879 par un publiciste allemand, Wilhelm Marr, permet d’insister sur l’épaisseur historique d’une forme spécifique de haine, qui vise un peuple depuis des millénaires et a connu son apogée avec la barbarie nazie. Si l’antisémitisme fut longtemps une doctrine raciale, il reste à considérer qu’aujourd’hui, il contient autre chose, qu’il faut analyser.